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pour les enfants soyons calme, je suis puissant. Si du moins j’avais des nouvelles du seul homme qui ait foi en moi ? Est-il libre, lui qui mendiait pour me nourrir… La foi n’est que chez le pauvre, il en a tant besoin !


Scène X.

LE GRAND INQUISITEUR, UN FAMILIER, FONTANARÈS.
LE GRAND INQUISITEUR.

Eh ! bien mon fils ? vous parliez de foi, peut-être avez-vous fait de sages réflexions. Allons, évitez au saint-office l’emploi de ses rigueurs.

FONTANARÈS.

Mon Père, que souhaitez-vous que je dise ?

LE GRAND INQUISITEUR.

Avant de vous mettre en liberté, le saint-office doit être sûr que vos moyens sont naturels…

FONTANARÈS.

Mon père, si j’avais fait un pacte avec le mauvais esprit, me laisserait-il ici ?

LE GRAND INQUISITEUR.

Vous dites une parole impie : le démon a un maître, nos auto-da-fé le prouvent.

FONTANARÈS.

Avez-vous jamais vu un vaisseau en mer ! (Le grand inquisiteur fait un signe affirmatif.) Par quel moyen allait-il ?

LE GRAND INQUISITEUR.

Le vent enflait ses voiles.

FONTANARÈS.

Est-ce le démon qui a dit ce moyen au premier navigateur ?

LE GRAND INQUISITEUR.

Savez-vous ce qu’il est devenu ?

FONTANARÈS.

Peut-être est-il devenu quelque puissance maritime oubliée… Enfin mon moyen est aussi naturel que le sien : j’ai vu comme lui dans la nature une force, et que l’homme peut s’approprier, car le vent est à Dieu, l’homme n’en est pas le maître, le vent emporte ses vaisseaux, et ma force à moi est dans le vaisseau.