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le lui arracher : c’était un savant ; d’autres lui proposaient d’en faire une affaire : des capitalistes qui voulaient l’entortiller. De la façon dont allaient les choses, nous ne savions que devenir. Personne assurément ne peut nier la puissance de la mécanique et de la géométrie, mais les plus beaux théorèmes sont peu nourrissants, et le plus petit civet est meilleur pour l’estomac ; vraiment, c’est un défaut de la science. Cet hiver, mon maître et moi, nous nous chauffions de nos projets et nous remâchions nos illusions… Eh bien ! Madame, il est en prison, car on l’accuse d’être au mieux avec le diable ; et malheureusement, cette fois, le saint-office a raison, nous l’avons vu constamment au fond de notre bourse. Eh bien ! Madame, je vous en supplie, inspirez au roi la curiosité de voir un homme qui lui apporte une domination aussi étendue que celle que Colomb a donnée à l’Espagne.

LA MARQUISE.

Mais depuis que Colomb a donné le nouveau monde à l’Espagne, on nous en offre un tous les quinze jours !

QUINOLA.

Ah ! Madame, chaque homme de génie a le sien. Sangodémi, il est si rare de faire honnêtement sa fortune et celle de l’État, sans rien prendre aux particuliers, que le phénomène mérite d’être favorisé.

LA MARQUISE.

Enfin, de quoi s’agit-il ?

QUINOLA.

Encore une fois ! ne riez pas Madame ! Il s’agit de faire aller les vaisseaux sans voiles, ni rames, malgré le vent, au moyen d’une marmite pleine d’eau qui bout.

LA MARQUISE.

Ah ! ça, d’où viens-tu ? Que dis-tu Rêves-tu ?

QUINOLA.

Et voilà ce qu’ils nous chantent tous ! Ah ! vulgaire, tu es ainsi fait que l’homme de génie qui a raison dix ans avant tout le monde, passe pour un fou pendant vingt-cinq ans. Il n’y a que moi qui croie en cet homme, et c’est à cause de cela que je l’aime : comprendre, c’est égaler.

LA MARQUISE.

Que, moi, je dise de telles sornettes au roi ?