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LA DUCHESSE.

Vous avez raison, et j’aperçois maintenant à quels dangers Fernand est exposé. Mais je ne veux pas vous retenir davantage, je vous parlerais de lui jusqu’au jour. Vous le verrez. Je lui ai dit de venir à l’heure où M. de Montsorel va chez le roi, et nous le questionnerons sur son enfance.

MADEMOISELLE DE VAUDREY.

Vous ne pourrez dormir, calmez-vous, de grâce. Et d’abord renvoyons Félicité, qui n’est pas accoutumée à veiller. (elle sonne.)

FÉLICITE, entrant.

M. le duc rentre avec M. le marquis.

LA DUCHESSE.

Je vous ai déjà dit, Félicité, de ne jamais m’instruire de ce qui se passe chez Monsieur. Allez.

(Félicité sort)
MADEMOISELLE DE VAUDREY.

Je n’ose vous enlever une illusion qui vous donne tant de bonheur mais quand je mesure la hauteur à laquelle vous vous élevez, je crains une chute horrible : en tombant de trop haut, l’âme se brise aussi bien que le corps, et laissez-moi vous le dire, je tremble pour vous.

LA DUCHESSE.

Vous craignez mon désespoir, et moi, je crains ma joie.

MADEMOISELLE DE VAUDREY, regardant la duchesse sortir.

Si elle se trompe, elle peut devenir folle.

LA DUCHESSE, revenant.

Ma tante, Fernand se nomme Raoul de Frescas.


Scène II.

MADEMOISELLE DE VAUDREY, seule.

Elle ne voit pas qu’il faudrait un miracle pour qu’elle retrouvât son fils. Les mères croient toutes à des miracles. Veillons sur elle ! Un regard, un mot la perdraient ; car si elle avait raison, si Dieu lui rendait son fils, elle marcherait vers une catastrophe plus affreuse encore que la déception qu’elle s’est préparée. Pensera-t-elle à se contenir devant ses femmes ?…