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à madame Camusot. Les Grandlieu se souviennent toujours des services qu’on leur a rendus. Les gens du Roi vont dans quelque temps avoir l’occasion de se distinguer, on leur demandera du dévouement, votre mari sera mis sur la brèche…

Madame Camusot se retira fière, heureuse, gonflée à étouffer. Elle revint chez elle triomphante, elle s’admirait, elle se moquait de l’inimitié du procureur général. Elle se disait : Si nous faisions sauter monsieur de Grandville !

Il était temps que madame Camusot se retirât. Le duc de Chaulieu, l’un des favoris du Roi, se rencontra sur le perron avec cette bourgeoise.

— Henri, s’écria le duc de Grandlieu quand il entendit annoncer son ami, cours, je t’en prie, au château, tâche de parler au roi, voici de quoi il s’agit. Et il emmena le duc dans l’embrasure de la fenêtre, où il s’était entretenu déjà avec la légère et gracieuse Diane.

De temps en temps le duc de Chaulieu regardait à la dérobée la folle duchesse, qui, tout en causant avec la duchesse pieuse et se laissant sermonner, répondait aux œillades du duc de Chaulieu.

— Chère enfant, dit enfin le duc de Grandlieu dont l’aparté se termina, soyez donc sage ! Voyons ! ajouta-t-il en prenant les mains de Diane, gardez donc les convenances, ne vous compromettez plus, n’écrivez jamais ! Les lettres, ma chère, ont causé tout autant de malheurs particuliers que de malheurs publics… Ce qui serait pardonnable à une jeune fille comme Clotilde, aimant pour la première fois, est sans excuse chez…

— Un vieux grenadier qui a vu le feu ! dit la duchesse en faisant la moue au duc. Ce mouvement de physionomie et la plaisanterie amenèrent le sourire sur les visages désolés des deux ducs et de la pieuse duchesse elle-même. Voilà quatre ans que je n’ai écrit de billets doux !… Sommes-nous sauvées ? demanda Diane qui cachait ses anxiétés sous ses enfantillages.

— Pas encore ! dit le duc de Chaulieu, car vous ne savez pas combien les actes arbitraires sont difficiles à commettre. C’est, pour un roi constitutionnel, comme une infidélité pour une femme mariée. C’est son adultère.

— Son péché mignon ! dit le duc de Grandlieu.

— Le fruit défendu ! reprit Diane en souriant. Oh ! comme je