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— Si on les trouvait ! fit la Camusot avec un petit geste pudique.

— Oh ! je dirais que c’est les lettres d’un roman commencé. Car j’ai tout copié, ma chère, et j’ai brûlé les originaux !

— Oh ! madame pour ma récompense, laissez-moi les lire…

— Peut-être, dit la duchesse. Vous verrez alors, ma chère, qu’il n’en a pas écrit de pareilles à Léontine !

Ce dernier mot fut toute la femme, la femme de tous les temps et de tous les pays.

Semblable à la grenouille de la fable de La Fontaine, madame Camusot crevait dans sa peau du plaisir d’entrer chez les Grandlieu en compagnie de la belle Diane de Maufrigneuse. Elle allait former, dans cette matinée, un de ces liens si nécessaires à l’ambition. Aussi s’entendait-elle appeler : — Madame la Présidente. Elle éprouvait la jouissance ineffable de triompher d’obstacles immenses, et dont le principal était l’incapacité de son mari, secrète encore, mais qu’elle connaissait bien. Faire arriver un homme médiocre ! c’est pour une femme, comme pour les rois, se donner le plaisir qui séduit tant les grands acteurs, et qui consiste à jouer cent fois une mauvaise pièce. C’est l’ivresse de l’égoïsme ! Enfin c’est en quelque sorte les saturnales du pouvoir. Le pouvoir ne se prouve sa force à lui-même que par le singulier abus de couronner quelque absurdité des palmes du succès, en insultant au génie, seule force que le pouvoir absolu ne puisse atteindre. La promotion du cheval de Caligula, cette farce impériale, a eu et aura toujours un grand nombre de représentations.

En quelques minutes, Diane et Amélie passèrent de l’élégant désordre dans lequel était la chambre à coucher de la belle Diane, à la correction d’un luxe grandiose et sévère, chez la duchesse de Grandlieu.

Cette Portugaise très pieuse se levait toujours à huit heures pour aller entendre la messe à la petite église de Sainte-Valère, succursale de Saint-Thomas d’Aquin, alors située sur l’esplanade des Invalides. Cette chapelle, aujourd’hui démolie, a été transportée rue de Bourgogne, en attendant la construction de l’église gothique qui sera, dit-on dédiée à sainte Clotilde.

Aux premiers mots dits à l’oreille de la duchesse de Grandlieu par Diane de Maufrigneuse, la pieuse femme passa chez monsieur de Grandlieu qu’elle ramena promptement. Le duc jeta sur ma-