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réservant la jouissance fielleuse d’aplatir ses dénégations par des preuves directes à un moment décisif. Généralement, dans cette scène capitale de la vie conjugale, le beau sexe est bourreau là où, dans le cas contraire, l’homme est assassin.

Voici comment : Cette dernière querelle (vous allez savoir pourquoi l’auteur l’a nommée dernière) se termine toujours par une promesse solennelle, sacrée, que font les femmes délicates, nobles, ou simplement spirituelles, c’est dire toutes les femmes, et que nous donnons sous sa plus belle forme.

— Assez, Adolphe ! nous ne nous aimons plus ; tu m’as trahie, et je ne l’oublierai jamais. On peut pardonner, mais oublier, c’est impossible.

Les femmes ne se font implacables que pour rendre leur pardon charmant : elles ont deviné Dieu.

— Nous avons à vivre en commun comme deux amis, dit Caroline en continuant. Eh bien ! vivons comme deux frères, deux camarades. Je ne veux pas te rendre la vie insupportable, et je ne te parlerai jamais de ce qui vient de se passer…

Adolphe tend la main à Caroline : celle-ci prend la main, la lui serre à l’anglaise. Adolphe remercie Caroline, entrevoit le bonheur : il s’est fait de sa femme une sœur, et il croit redevenir garçon.

Le lendemain, Caroline se permet une allusion très-spirituelle (Adolphe ne peut pas s’empêcher d’en rire) à l’Affaire-Chaumontel. Dans le monde, elle lance des généralités qui deviennent des particularités sur cette dernière querelle.

Au bout d’une quinzaine, il ne se passe pas de jour où Caroline n’ait rappelé la dernière querelle en disant : ─ C’était le jour où j’ai trouvé dans ta poche la facture Chaumontel ; Ou : ─ C’est depuis notre dernière querelle… ; ou : ─ C’est le jour où j’ai vu clair dans la vie, etc. Elle assassine Adolphe, elle le martyrise ! Dans le monde, elle dit des choses terribles.

— Nous sommes heureuses, ma chère, le jour où nous n’aimons plus : c’est alors que nous savons nous faire aimer… Et elle regarde Ferdinand.

— Ah ! vous avez aussi votre Affaire-Chaumontel, dit-elle à madame Foullepointe.

Enfin, la dernière querelle ne finit jamais, d’où cet axiome :

Se donner un tort vis-à-vis de sa femme légitime, c’est résoudre le problème du mouvement perpétuel.