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chambre l’entendit plus de trois fois s’écriant : ─ Si c’est monsieur, avertissez-moi.

Un bruit de voiture ayant fait trembler les meubles, Caroline prit un ton doux pour cacher la violence de son émotion légitime.

— Oh ! c’est lui ! Courez, Justine ! dites-lui que je l’attends ici. Caroline se laissa tomber sur une bergère, elle tremblait trop sur ses jambes.

Cette voiture était celle d’un boucher.

Ce fut dans cette anxiété que coula, comme une anguille dans sa vase, la messe de huit heures. La toilette de madame fut reprise, car madame en était à se vêtir. La femme de chambre avait déjà reçu par le nez, lancée du cabinet de toilette, une chemise de simple batiste magnifique, à simple ourlet, semblable à celle qu’elle donnait depuis trois mois.

— À quoi pensez-vous donc, Justine ? Je vous ai dit de prendre dans les chemises sans numéro.

Les chemises sans numéro n’étaient que sept ou huit, comme dans les trousseaux les plus magnifiques. C’est des chemises où brillent les recherches, les broderies ; il faut être une reine, une jeune reine, pour avoir la douzaine. Chacune de celles de madame était bordée de valencienne par en bas, et encore plus coquettement garnie par le haut. Ce détail de nos mœurs servira peut-être à faire soupçonner dans le monde masculin le drame intime que révèle cette chemise exceptionnelle.

Caroline avait mis des bas de fil d’Écosse et de petits souliers de prunelle à cothurne, et son corset le plus menteur. Elle se fit coiffer de la façon qui lui seyait le mieux, et mit un bonnet de la dernière élégance. Il est inutile de parler de la robe du matin. Une femme pieuse qui demeure à Paris et qui aime son mari, sait choisir, tout aussi bien qu’une coquette, ces jolies petites étoffes rayées, coupées en redingote, attachées par des pattes à des boutons qui forcent une femme à les rattacher deux ou trois fois en une heure avec des façons plus ou moins charmantes.

La messe de neuf heures, la messe de dix heures, toutes les messes passèrent dans ces préparatifs, qui sont pour les femmes aimantes un de leurs douze travaux d’Hercule.

Les femmes pieuses vont rarement en voiture à l’église, elles ont raison. Excepté le cas de pluie à verse, de mauvais temps intolérable, on ne doit pas se montrer orgueilleux là où l’on doit