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Ce fut en observant cet heureux ménage que l’auteur trouva cet axiome.


axiome.

Pour être heureux en ménage, il faut être ou homme de génie marié à une femme tendre et spirituelle, ou se trouver, par l’effet d’un hasard qui n’est pas aussi commun qu’on pourrait le penser, tous les deux excessivement bêtes.

L’histoire un peu trop célèbre de la cure par l’arsenic d’un amour-propre blessé, prouve qu’à proprement parler, il n’y a pas de petites misères pour la femme dans la vie conjugale.


axiome.

La femme vit par le sentiment, là où l’homme vit par l’action.

Or, le sentiment peut à tout moment faire d’une petite misère soit un grand malheur, soit une vie brisée, soit une éternelle infortune.

Que Caroline commence, dans l’ignorance de la vie et du monde, par causer à son mari les petites misères de sa bêtise (relire les découvertes), Adolphe a, comme tous les hommes, des compensations dans le mouvement social : il va, vient, sort, fait des affaires. Mais, pour Caroline, en toutes choses il s’agit d’aimer ou de ne pas aimer, d’être ou de ne pas être aimée.

Les indiscrétions sont en harmonie avec les caractères, les temps et les lieux. Deux exemples suffiront.

Voici le premier. Un homme est de sa nature sale et laid ; il est mal fait, repoussant. Il y a des hommes, et souvent des gens riches, qui, par une sorte de constitution inobservée, salissent des habits neufs en vingt-quatre heures. Ils sont nés dégoûtants. Il est enfin si déshonorant pour une femme de ne pas être uniquement l’épouse de ces sortes d’Adolphe, qu’une Caroline avait depuis longtemps exigé la suppression des tutoiements modernes et tous les insignes de la dignité des épouses. Le monde était habitué depuis cinq ou six ans à cette tenue, et croyait madame et monsieur d’autant plus séparés qu’il avait remarqué l’avénement d’un Ferdinand II.

Un soir, devant dix personnes, monsieur dit à sa femme : ─ Caroline, passe-moi les pincettes. Ce n’est rien, et c’est tout. Ce fut une révolution domestique.