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l’hiver, j’irai tous les soirs aux Italiens, à l’Opéra, dans le monde ; mais notre fortune est-elle assez considérable pour fournir à de telles dépenses ? Mon oncle de Cyrus devrait venir à Paris, j’en aurais soin comme d’une succession.

» Si vous trouvez un remède à mes maux, indiquez-le à votre fille, qui vous aime autant qu’elle est malheureuse, et qui aurait bien voulu se nommer autrement que

 » NINA FISCHTAMINEL. »


Outre la nécessité de peindre cette petite misère qui ne pouvait être bien peinte que de la main d’une femme, et quelle femme ! il était nécessaire de vous faire connaître la femme que vous n’avez encore vue que de profil dans la première partie de ce livre, la reine de la société particulière où vit Caroline, la femme enviée, la femme habile qui, de bonne heure, a su concilier ce qu’elle doit au monde avec les exigences du cœur. Cette lettre est son absolution.





LES INDISCRÉTIONS.


Les femmes sont, — ou chastes, — ou vaniteuses, — ou simplement orgueilleuses. — Toutes peuvent donc être atteintes par la petite misère que voici :

Certains maris sont si ravis d’avoir une femme à eux, chance uniquement due à la légalité, qu’ils craignent une erreur chez le public, et ils se hâtent de marquer leur épouse, comme les marchands de bois marquent les bûches au flottage, ou les propriétaires de Berry leurs moutons. Devant tout le monde, ils prodiguent à la façon romaine (columbella) à leurs femmes des surnoms pris au règne animal, et ils les appellent : — ma poule, — ma chatte, — mon rat, — mon petit lapin ; ou, passant au règne végétal, ils les nomment : — mon chou, — ma figue (en Provence seulement), — ma prune (en Alsace seulement),

Et jamais : ─ Ma fleur ! remarquez cette discrétion ;

Ou, ce qui devient plus grave ! — Bobonne, — ma mère, — ma fille, — la bourgeoise, — ma vieille ! (quand la femme est très-jeune.)