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— Oh ! mon Dieu ! mais tu me fais l’effet de devenir avant peu très-malheureuse… ou très-heureuse.

— Et toi, ma petite ?

— Moi, jusqu’à présent je n’ai qu’une épingle qui me pique dans mon corset ; mais c’est insupportable.

— Pauvre enfant ! tu ne connais pas ton bonheur. Allons, dis.

Ici la jeune femme parla si bien à l’oreille de l’autre, qu’il fut impossible d’entendre un seul mot. La conversation recommença ou plutôt finit par une sorte de conclusion.

— Ton Adolphe est jaloux ?

— De qui ? nous ne nous quittons pas, et c’est là, ma chère, une misère. On n’y tient pas. Je n’ose pas bâiller, je suis toujours en représentation de femme aimante. C’est fatigant.

— Caroline ?

— Eh bien ?

— Ma petite, que vas-tu faire ?

— Me résigner. Et toi ?

— Combattre la Régie…

Cette petite misère tend à prouver qu’en fait de déceptions personnelles les deux sexes sont bien quittes l’un envers l’autre.





LES AMBITIONS TROMPÉES.


§ I. — L’ILLUSTRE CHODOREILLE.


Un jeune homme a quitté sa ville natale au fond de quelque département marqué par monsieur Charles Dupin en couleur plus ou moins foncée. Il avait pour vocation la gloire, n’importe laquelle : supposez un peintre, un romancier, un journaliste, un poëte, un grand homme d’État.

Pour être parfaitement compris, le jeune Adolphe de Chodoreille voulait faire parler de lui, devenir célèbre, être quelque chose. Ceci donc s’adresse à la masse des ambitieux amenés à Paris par tous les véhicules possibles, soit moraux, soit physiques, et qui s’y élancent un beau matin avec l’intention hydrophobique de renverser toutes les renommées, de se bâtir un piédestal avec des