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— Je n’en ai pas d’autre. Une toilette fraîche aurait coûté cent écus.

— Pourquoi ne pas me le dire ?

— Moi, vous tendre la main !… après ce qui s’est passé !…

— J’irai seul, dit Adolphe, ne voulant pas être humilié dans sa femme.

— Je sais bien que cela vous arrange, dit Caroline d’un petit ton aigre, et cela se voit assez à la manière dont vous êtes mis.


Onze personnes sont dans le salon, toutes priées à dîner par Adolphe ; Caroline est là comme si son mari l’avait invitée : elle attend que le dîner soit servi.

— Monsieur, dit le valet de chambre à voix basse à son maître, la cuisinière ne sait où donner de la tête.

— Pourquoi ?

— Monsieur ne lui a rien dit ; elle n’a que deux entrées, le bœuf, un poulet, une salade et des légumes.

— Caroline, vous n’avez donc rien commandé ?…

— Savais-je que vous aviez du monde, et puis-je d’ailleurs prendre sur moi de commander ici ?… Vous m’avez délivrée de tout souci à cet égard, et j’en remercie Dieu tous les jours.


Madame Fischtaminel vient rendre une visite à madame Caroline ! elle la trouve toussotant et travaillant le dos courbé sur un métier à tapisserie.

— Vous brodez ces pantoufles-là pour votre cher Adolphe ?

Adolphe est posé devant la cheminée en homme qui fait la roue.

— Non, madame, c’est pour un marchand qui me les paye ; et, comme les forçats du bagne, mon travail me permet de me donner de petites douceurs.

Adolphe rougit ; il ne peut pas battre sa femme, et madame de Fischtaminel le regarde en ayant l’air de lui dire : ─ Qu’est-ce que cela signifie ?…

— Vous toussez beaucoup, ma chère petite !… dit madame de Fischtaminel.

— Oh ! répond Caroline, que me fait la vie !…