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disait-il, il avait voulu s’en défaire en employant une personne non compromise.

On ne put rien obtenir de plus du forçat libéré, qui sut, par son silence et par sa fermeté, faire croire à la justice que le marchand de vin de Nanterre avait commis le crime, et que la femme de qui il tenait les choses compromettantes était l’épouse de ce marchand. Le malheureux parent de la veuve Pigeau et sa femme furent arrêtés ; mais, après huit jours de détention et une enquête scrupuleuse, il fut établi que ni le mari ni la femme n’avaient quitté leur établissement à l’époque du crime. D’ailleurs, Calvi ne reconnut pas, dans l’épouse du marchand de vin, la femme qui, selon lui, lui aurait vendu l’argenterie et les bijoux.

Comme la concubine de Calvi, impliquée dans le procès, fut convaincue d’avoir dépensé mille francs environ depuis l’époque du crime jusqu’au moment où Calvi voulut engager l’argenterie et les bijoux, de telles preuves parurent suffisantes pour faire envoyer aux assises le forçat et sa concubine. Cet assassinat étant le dix-huitième commis par Théodore, il fut condamné à mort, car il parut être l’auteur de ce crime si habilement commis. S’il ne reconnut pas la marchande de vin de Nanterre, il fut reconnu par la femme et par le mari. L’instruction avait établi, par de nombreux témoignages, le séjour de Théodore à Nanterre pendant environ un mois ; il y avait servi les maçons, la figure enfarinée de plâtre et mal vêtu. À Nanterre, chacun donnait dix-huit ans à ce garçon, qui devait avoir nourri ce poupon (comploté, préparé ce crime) pendant un mois.

Le parquet croyait à des complices. On mesura la largeur des tuyaux pour l’adapter au corps de Manon-la-Blonde, afin de voir si elle avait pu s’introduire par les cheminées ; mais un enfant de six ans n’aurait pu passer par les tuyaux en poterie, par lesquels l’architecture moderne remplace aujourd’hui les vastes cheminées d’autrefois. Sans ce singulier et irritant mystère, Théodore eût été exécuté depuis une semaine. L’aumônier des prisons avait, comme on l’a vu, totalement échoué.

Cette affaire et le nom de Calvi dut échapper à l’attention de Jacques Collin, alors préoccupé de son duel avec Contenson, Corentin et Peyrade. Trompe-la-Mort essayait, d’ailleurs, d’oublier le plus possible les amis, et tout ce qui regardait le Palais de justice. Il tremblait d’une rencontre qui l’aurait mis face à face avec