— As-tu trouvé tout ton monde ?…
— Oui, ceux à qui j’avais donné rendez-vous…
— Quand leur as-tu donc écrit ? L’encre est desséchée dans ton encrier : c’est comme de la laque ; j’ai eu à écrire, et j’ai passé une grande heure à l’humecter avant d’en faire une bourbe compacte avec laquelle on aurait pu marquer des paquets destinés aux Indes.
Ici, tout mari jette sur sa moitié des regards sournois.
— Je leur ai vraisemblablement écrit à Paris…
— Quelles affaires donc, Adolphe ?…
— Ne les connais-tu pas ?… Veux-tu que je te les dise ?… Il y a d’abord l’Affaire Chaumontel…
— Je croyais monsieur Chaumontel en Suisse…
— Mais n’a-t-il pas ses représentants, son avoué ?…
— Tu n’as fait que des affaires ?… dit Caroline en interrompant Adolphe.
Elle jette alors un regard clair, direct, par lequel elle plonge à l’improviste dans les yeux de son mari : une épée dans un cœur.
— Que veux-tu que j’aie fait ?… de la fausse monnaie, des dettes, de la tapisserie ?…
— Mais, je ne sais pas. Je ne peux rien deviner, d’abord ! Tu me l’as dit cent fois : je suis trop bête.
— Bon ! voilà que tu prends en mauvaise part un mot caressant. Va, ceci est bien femme.
— As-tu conclu quelque chose ? dit-elle en prenant un air d’intérêt pour les affaires.
— Non, rien…
— Combien de personnes as-tu vues ?
— Onze, sans compter celles qui se promenaient sur les boulevards.
— Comme tu me réponds !
— Mais aussi tu m’interroges comme si tu avais fait pendant dix ans le métier de juge d’instruction…
— Eh bien ! raconte-moi toute ta journée, ça m’amusera. Tu devrais bien penser ici à mes plaisirs ! Je m’ennuie assez quand tu me laisses là, seule, pendant des journées entières.
— Tu veux que je t’amuse en te racontant des affaires ?…
— Autrefois, tu me disais tout…
Ce petit reproche amical déguise une espèce de certitude que veut avoir Caroline touchant les choses graves dissimulées par