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supporter l’idée de t’avoir fait un peu de peine ! Et c’est pourtant une idée qu’un homme n’aurait jamais eue, que d’attribuer ton impertinence à quelque embarras dans ta digestion. Ce n’est plus mon Dodofe ! c’est son ventre qui s’est trouvé assez grand pour parler… Je ne te savais pas ventriloque, voilà tout…

Caroline regarde Adolphe en souriant : Adolphe se tient comme gommé.

— Non, il ne rira pas… Et vous appelez cela, dans votre jargon, avoir du caractère… Oh ! comme nous sommes bien meilleures !

Elle vient s’asseoir sur les genoux d’Adolphe, qui ne peut s’empêcher de sourire. Ce sourire, extrait à l’aide de la machine à vapeur, elle le guettait pour s’en faire une arme.

— Allons, mon bon homme, avoue tes torts ! dit-elle alors. Pourquoi bouder ? Je t’aime, moi, comme tu es ! Je te vois tout aussi mince que quand je t’ai épousé… plus mince même.

— Caroline, quand on en arrive à se tromper sur ces petites choses-là… quand on se fait des concessions et qu’on ne reste pas fâché, tout rouge… sais-tu ce qui en est ?…

— Eh bien ? dit Caroline inquiète de la pose dramatique que prend Adolphe.

— On s’aime moins.

— Oh ! gros monstre, je te comprends : tu restes fâché pour me faire croire que tu m’aimes.

Hélas ! avouons-le ! Adolphe dit la vérité de la seule manière de la dire : en riant.

— Pourquoi m’as-tu fait de la peine ? dit-elle. Ai-je un tort ? ne vaut-il pas mieux me l’expliquer gentiment plutôt que de me dire grossièrement (elle enfle sa voix) : « Votre nez rougit ! » Non, ce n’est pas bien ! Pour te plaire, je vais employer une expression de ta belle Fischtaminel : « Ce n’est pas d’un gentleman ! »

Adolphe se met à rire et paye les frais du raccommodement ; mais au lieu d’y découvrir ce qui peut plaire à Caroline et le moyen de se l’attacher, il reconnaît par où Caroline l’attache à elle.