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avoir ceci, cela. Quand tu voudras faire une affaire, une autre fois, tu m’écouteras ! Adolphe est atteint et convaincu d’avoir perdu cent mille francs à l’étourdie, sans but, comme un sot, sans avoir consulté sa femme. Caroline dissuade ses amies de se marier. Elle se plaint de l’incapacité des hommes qui dissipent la fortune de leurs femmes. Caroline est vindicative ! elle est sotte, elle est atroce ! Plaignez Adolphe ! Plaignez-vous, ô maris ! Ô garçons, réjouissez-vous !





SOUVENIRS ET REGRETS.


Marié depuis quelques années, votre amour est devenu si placide, que Caroline essaie quelquefois le soir de vous réveiller par de petits mots piquants. Vous avez je ne sais quoi de calme et de tranquille qui impatiente toutes les femmes légitimes. Les femmes y trouvent une sorte d’insolence ; elles prennent la nonchalance du bonheur pour la fatuité de la certitude, car elles ne pensent jamais au dédain de leurs inestimables valeurs : leur vertu est alors furieuse d’être prise au mot.

Dans cette situation, qui est le fond de la langue de tout mariage, et sur laquelle homme et femme doivent compter, aucun mari n’ose dire que le pâté d’anguille l’ennuie ; mais son appétit a certainement besoin des condiments de la toilette, des pensées de l’absence, des irritations d’une rivalité supposée.

Enfin, vous vous promenez alors très-bien avec votre femme sous le bras, sans serrer le sien contre vos flancs avec la craintive et soigneuse cohésion de l’avare tenant son trésor. Vous regardez, à droite et à gauche, les curiosités sur les boulevards, en gardant votre femme d’un bras lâche et distrait, comme si vous étiez le remorqueur d’un gros bateau normand. Allons, soyez francs, mes amis ! si, derrière votre femme, un admirateur la pressait par mégarde ou avec intention, vous n’avez aucune envie de vérifier les motifs du passant ; d’ailleurs, nulle femme ne s’amuse à faire naître une querelle pour si peu de chose. Ce peu de chose, avouez-nous encore ceci, n’est-il pas excessivement flatteur pour l’un comme pour l’autre ?

Vous en êtes là, mais vous n’êtes pas allé plus loin. Cependant,