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nements les plus logiques (feu Tripier, feu Merlin ne sont que des enfants, la misère précédente vous l’a maintes fois prouvé), battu par les caresses les plus chattes, battu par des larmes, battu par vos propres paroles ; car, dans ces circonstances, une femme est tapie entre les feuilles de sa maison comme un jaguar ; elle n’a pas l’air de vous écouter, de faire attention à vous ; mais s’il vous échappe un mot, un geste, un désir, une parole, elle s’en arme, elle l’affile, elle vous l’oppose cent et cent fois… battu par des singeries gracieuses : « Si tu fais cela, je ferai ceci. » Elles deviennent alors plus marchandes que les Juifs, les Grecs (de ceux qui vendent des parfums et des petites filles), les Arabes (de ceux qui vendent des petits garçons et des chevaux), plus marchandes que les Suisses, les Génevois, les banquiers, et, ce qui est pis que tout cela, que les Génois !

Enfin, battu comme on est battu, vous vous déterminez à risquer, dans une entreprise, une certaine portion de votre capital. Un soir, entre chien et loup, côte à côte, ou un matin au réveil, pendant que Caroline est là, à moitié éveillée, rose dans ses linges blancs, le visage riant dans ses dentelles, vous lui dites : ─ Tu veux ceci ! Tu veux cela ! Tu m’as dit ceci ! Tu m’as dit cela !… Enfin, vous énumérez, en un instant, les innombrables fantaisies par lesquelles elle vous a maintes et maintes fois crevé le cœur, car il n’y a rien de plus affreux que de ne pouvoir satisfaire le désir d’une femme aimée ! et vous terminez en disant :

— Eh bien ! ma chère amie, il se présente une occasion de quintupler cent mille francs, et je suis décidé à faire cette affaire.

Elle se réveille, elle se dresse sur ce qu’on est convenu d’appeler son séant, elle vous embrasse, oh ! là… bien !

— Tu es gentil, est son premier mot.

Ne parlons pas du dernier : c’est une énorme et indicible onomatopée assez confuse.

— Maintenant, dit-elle, explique-moi ton affaire !

Et vous tâchez d’expliquer l’affaire. D’abord, les femmes ne comprennent aucune affaire, elles ne veulent pas paraître les comprendre ; elles les comprennent, où, quand, comment ? elles doivent les comprendre, à leur temps, ─ dans la saison, ─ à leur fantaisie. Votre chère créature, Caroline ravie, dit que vous avez eu tort de prendre au sérieux ses désirs, ses gémissements, ses envies de toilette. Elle a peur de cette affaire, elle s’effarouche des