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ver la voix), le roi de Rome, qui avait à peine quatre ans lorsqu’il a quitté la France, ne saurait servir d’exemple.

— Cela n’empêche pas que le duc de Bordeaux n’ait été remis à sept ans à M. le duc de Rivière, son gouverneur. (Effet de logique.)

— Pour le duc de Bordeaux, c’est différent…

— Tu conviens donc alors qu’on ne peut pas mettre un enfant au collége avant l’âge de sept ans ? dit-elle avec emphase. (Autre effet.)

— Je ne dis pas cela du tout, ma chère amie. Il y a bien de la différence entre l’éducation publique et l’éducation particulière.

— C’est bien pour cela que je ne veux pas mettre encore Charles au collége, il faut être encore plus fort qu’il ne l’est pour y entrer.

— Charles est très-fort pour son âge.

— Charles ?… Oh ! les hommes ! Mais Charles est d’une constitution très-faible, il tient de vous. (Le vous commence.) Si vous voulez vous défaire de votre fils, vous n’avez qu’à le mettre au collége… Mais il y a déjà quelque temps que je m’aperçois bien que cet enfant vous ennuie.

— Allons ! mon enfant m’ennuie, à présent ; te voilà bien ! Nous sommes responsables de nos enfants envers eux-mêmes ! il faut enfin commencer l’éducation de Charles ; il prend ici les plus mauvaises habitudes ; il n’obéit à personne ; il se croit le maître de tout ; il donne des coups et personne ne lui en rend. Il doit se trouver avec des égaux, autrement il aura le plus détestable caractère.

— Merci ; j’élève donc mal mon enfant ?

— Je ne dis pas cela ; mais vous aurez toujours d’excellentes raisons pour le garder.

Ici le vous s’échange, et la discussion acquiert un ton aigre de part et d’autre. Votre femme veut bien vous affliger du vous, mais elle se blesse de la réciprocité.

— Enfin, voilà votre mot ! vous voulez m’ôter mon enfant, vous vous apercevez qu’il est entre nous, vous êtes jaloux de votre enfant, vous voulez me tyranniser à votre aise, et vous sacrifiez votre fils ! Oh ! j’ai bien assez d’esprit pour vous comprendre.

— Mais vous faites de moi Abraham tenant son couteau ! Ne dirait-on pas qu’il n’y a pas de colléges ? Les colléges sont vides, personne ne met ses enfants au collége.

— Vous voulez me rendre aussi par trop ridicule, reprend-