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Pourquoi ? comment ? qui vous a vaincu, tué, renversé ? La logique de votre femme, qui n’est pas la logique d’Aristote, ni celle de Ramus, ni celle de Kant, ni celle de Condillac, ni celle de Robespierre, ni celle de Napoléon ; mais qui tient de toutes les logiques, et qu’il faut appeler la logique de toutes femmes, la logique des femmes anglaises comme celle des Italiennes, des Normandes et des Bretonnes (oh ! celles-ci sont invaincues), des Parisiennes, enfin des femmes de la lune, s’il y a des femmes dans ce pays nocturne avec lequel les femmes de la terre s’entendent évidemment, anges qu’elles sont !

La discussion s’est engagée après le déjeuner. Les discussions ne peuvent jamais avoir lieu qu’en ce moment dans les ménages.

Un homme, quand il le voudrait, ne saurait discuter au lit avec sa femme : elle a trop d’avantages contre lui, et peut trop facilement le réduire au silence. En quittant le lit conjugal où il se trouve une jolie femme, on a faim, quand on est jeune. Le déjeuner est un repas assez gai, la gaîté n’est pas raisonneuse. Bref, vous n’entamez l’affaire qu’après avoir pris votre café à la crème ou votre thé.

Vous avez mis dans votre tête d’envoyer, par exemple, votre enfant au collége. Les pères sont tous hypocrites, et ne veulent jamais avouer que leur sang les gêne beaucoup quand il court sur ses deux jambes, porte sur tout ses mains hardies, et frétille comme un tétard dans la maison. Votre enfant jappe, miaule et piaule ; il casse, brise ou salit les meubles, et les meubles sont chers ; il fait sabre de tout, il égare vos papiers, il emploie à ses cocottes le journal que vous n’avez pas encore lu.

La mère lui dit : ─ Prends ! à tout ce qui est à vous ; mais elle dit : ─ Prends garde ! à tout ce qui est à elle.

La rusée bat monnaie avec vos affaires pour avoir sa tranquillité. Sa mauvaise foi de bonne mère est à l’abri derrière son enfant, l’enfant est son complice. Tous deux s’entendent contre vous comme Robert Macaire et Bertrand contre un actionnaire. L’enfant est une hache avec laquelle on fourrage tout chez vous. L’enfant va triomphalement ou sournoisement à la maraude dans votre garde-robe ; il reparaît caparaçonné de caleçons sales, il met au jour des choses condamnées aux gémonies de la toilette. Il apporte à une amie que vous cultivez, à l’élégante madame de Fischtaminel, des ceintures à comprimer le ventre, des bouts de bâtons à