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que vous, il vous reste une chance, celle de violer votre femme. Ah ! bah ! vous lui dites votre imbécile, niais et indifférent : — Qu’as-tu ?


AXIOME.

Un mari doit toujours savoir ce qu’a sa femme, car elle sait toujours ce qu’elle n’a pas.


— Froid, dit-elle.

— La soirée a été superbe.

— Ouh ! ouh ! rien de distingué ! l’on a la manie, aujourd’hui, d’inviter tout Paris dans un trou. Il y avait des femmes jusque sur l’escalier ; les toilettes s’abîment horriblement, la mienne est perdue.

— On s’est amusé.

— Vous autres, vous jouez, et tout est dit. Une fois mariés, vous vous occupez de vos femmes comme les lions s’occupent de peinture.

— Je ne te reconnais plus, tu étais si gaie, si heureuse, si pimpante en arrivant !

— Ah ! vous ne nous comprenez jamais. Je vous ai prié de partir, et vous me laissez là, comme si les femmes faisaient jamais quelque chose sans raison. Vous avez de l’esprit, mais dans certains moments vous êtes vraiment singulier, je ne sais à quoi vous pensez…

Une fois sur ce terrain, la querelle s’envenime. Quand vous donnez la main à votre femme pour descendre de voiture, vous tenez une femme de bois ; elle vous dit un merci par lequel elle vous met sur la même ligne que son domestique. Vous n’avez pas plus compris votre femme avant qu’après le bal, vous la suivez avec peine, elle ne monte pas l’escalier, elle vole. Il y a brouille complète.

La femme de chambre est enveloppée dans la disgrâce ; elle est reçue à coups de non et oui, secs comme des biscottes de Bruxelles, et qu’elle avale en vous regardant de travers. — Monsieur n’en fait jamais d’autres ! dit-elle en grommelant.

Vous seul avez pu changer l’humeur de madame. Madame se couche, elle a une revanche à prendre ; vous ne l’avez pas comprise. Elle ne vous comprend point. Elle se range dans son coin de la façon la plus déplaisante et la plus hostile ; elle est enveloppée