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cette partie au nom de ses enfants et de sa nourriture (elle nourrit sa petite), vous serez accablé sous une avalanche de phrases froides et piquantes.

Aussi acceptez-vous tout pour ne pas aigrir le lait d’une femme qui nourrit, et à laquelle il faut passer quelques petites choses, vous dit à l’oreille votre atroce belle-mère.

Vous avez au cœur toutes les furies d’Oreste.

À ces mots sacramentels dits par l’Octroi : — Vous n’avez rien à déclarer ?

— Je déclare, dit votre femme, beaucoup de mauvaise humeur et de poussière.

Elle rit, l’employé rit, il vous prend envie de verser votre famille dans la Seine.

Pour votre malheur, vous vous souvenez de la joyeuse et perverse fille qui avait un petit chapeau rose et qui frétillait dans votre tilbury quand, six ans auparavant, vous aviez passé par là pour aller manger une matelote. Une idée ! Madame Schontz s’inquiétait bien d’enfants, de son chapeau dont la dentelle a été mise en pièces dans les fourrés ! elle ne s’inquiétait de rien, pas même de sa dignité, car elle indisposa le garde-champêtre de Vincennes par la désinvolture de sa danse un peu risquée.

Vous rentrez chez vous, vous avez hâté rageusement votre cheval normand, vous n’avez évité ni l’indisposition de votre animal, ni l’indisposition de votre femme.

Le soir, Caroline a très-peu de lait. Si la petite crie à vous rompre la tête en suçant le sein de sa mère, toute la faute est à vous, qui préférez la santé de votre cheval à celle de votre fils qui mourait de faim, et de votre fille dont le souper a péri dans une discussion où votre femme a raison, comme toujours !

— Après tout, dit-elle, les hommes ne sont pas mères.

Vous quittez la chambre, et vous entendez votre belle-mère consolant sa fille par ces terribles paroles : ─ Ils sont tous égoïstes, calme-toi ; ton père était absolument comme cela.