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mise de batiste à raies bleues en été, vous êtes traité comme un enfant ; vous dormez encore, elle vous habille, elle se donne tout le mal ; vous êtes jeté hors de chez vous. Sans elle tout irait mal ! Elle vous rappelle pour vous faire prendre un papier, un portefeuille. Vous ne songez à rien, elle songe à tout !

Vous revenez cinq heures après, pour le déjeuner, entre onze heures et midi. La femme de chambre est sur la porte, dans l’escalier, sur le carré, causant avec quelque valet de chambre ; elle se sauve en vous entendant ou vous apercevant. Votre domestique met le couvert sans se presser, il regarde par la croisée, il flâne, il va et vient en homme qui sait avoir son temps à lui. Vous demandez où est votre femme, vous la croyez sur pied.

— Madame est encore au lit, dit la femme de chambre.

Vous trouvez votre femme languissante, paresseuse, fatiguée, endormie. Elle avait veillé toute la nuit pour vous éveiller, elle s’est recouchée, elle a faim.

Vous êtes cause de tous les dérangements. Si le déjeuner n’est pas prêt, elle en accuse votre départ. Si elle n’est pas habillée, si tout est en désordre, c’est votre faute. À tout ce qui ne va pas, elle répond : — Il a fallu te faire lever si matin ! Monsieur s’est levé si matin ! est la raison universelle. Elle vous fait coucher de bonne heure, parce que vous vous êtes levé matin. Elle ne peut rien faire de la journée, parce que vous vous êtes levé matin.

Dix-huit mois après, elle vous dit encore : — Sans moi, tu ne te lèverais jamais. À ses amies, elle dit : — Monsieur se lever !… Oh ! sans moi, si je n’étais pas là, jamais il ne se lèverait.

Un homme dont la tête grisonne lui dit : — Cela fait votre éloge, madame. Cette critique, un peu leste, met un terme à ses vanteries.

Cette petite misère, répétée deux ou trois fois, vous apprend à vivre seul au sein de votre ménage, à n’y pas tout dire, à ne vous confier qu’à vous-même ; il vous paraît souvent douteux que les avantages du lit nuptial en surpassent les inconvénients.




LES TAQUINAGES.


Vous avez passé de l’allégro sautillant du célibataire au grave andante du père de famille.