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nuit qui éclaire… Je devrais y aller, je devrais faire, j’ai promis… Je suis un lâche… ; mais comment résister aux ouates de mon lit ? J’ai les pieds mous, je dois être malade, je suis trop heureux… Je veux revoir les horizons impossibles de mon rêve, et mes femmes sans talons, et ces figures ailées et ces natures complaisantes. Enfin, j’ai trouvé le grain de sel à mettre sur la queue de cet oiseau qui s’envolait toujours. Cette coquette a les pieds pris dans la glu, je la tiens…

Votre domestique lit vos journaux, il entr’ouvre vos lettres, il vous laisse tranquille. Et vous vous rendormez bercé par le bruit vague des premières voitures. Ces terribles, ces pétulantes, ces vives voitures chargées de viande, ces charrettes à mamelles de fer-blanc pleines de lait, et qui font des tapages infernaux, qui brisent les pavés, elles roulent sur du coton, elles vous rappellent vaguement l’orchestre de Napoléon Musard. Quand votre maison tremble dans ses membres et s’agite sur sa quille, vous vous croyez comme un marin bercé par le zéphyr.

Toutes ces joies, vous seul les faites finir en jetant votre foulard comme on tortille sa serviette après le dîner, en vous dressant sur votre… ah ! cela s’appelle votre séant. Et vous vous grondez vous-même en vous disant quelque dureté, comme : ─ Ah ! ventrebleu ! il faut se lever. ─ Chasseur diligent, ─ mon ami, qui veut faire fortune doit se lever matin, ─ tu es un drôle, un paresseux.

Vous restez sur ce temps. Vous regardez votre chambre, vous rassemblez vos idées. Enfin, vous sautez hors du lit, — spontanément ! — avec courage ! — par votre propre vouloir ! — vous allez au feu, vous consultez la plus complaisante de toutes les pendules, vous interjetez des espérances ainsi conçues : — Chose est paresseux, je le trouverai bien encore ! — Je vais courir. — Je le rattraperai, s’il est sorti. — On m’aura bien attendu. — Il y a un quart d’heure de grâce dans tous les rendez-vous, même entre débiteur et créancier.

Vous mettez vos bottes avec fureur, vous vous habillez comme quand vous avez peur d’être surpris peu vêtu, vous avez les plaisirs de la hâte, vous interpellez vos boutons ; enfin, vous sortez comme un vainqueur, sifflotant, brandissant votre canne, secouant les oreilles, galopant.

— Après tout, dites-vous, vous n’avez de compte à rendre à personne, vous êtes votre maître !

Toi, pauvre homme marié, tu as fait la sottise de dire à ta