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Bourgogne sont deux pays bien différents. Les fruits de la vigne rendent le sang plus chaud que ceux du pommier. Nous ne connaissons pas si bien les lois et la procédure, et nous sommes entourés de forêts ; l’industrie ne nous a pas encore gagné ; nous sommes sauvages… Si j’ai un conseil à donner à monsieur le comte, c’est de vendre sa terre et de la placer en rentes ; il doublera son revenu et n’aura pas le moindre souci ; s’il aime la campagne, il aura, dans les environs de Paris, un château, avec un parc entouré de murs, aussi beau que celui des Aigues, où personne n’entrera, et qui n’aura que des fermes louées à des gens qui viendront en cabriolet le payer en billets de banque, et il ne nous fera pas faire dans l’année un seul procès-verbal… Il ira et viendra en trois ou quatre heures, et monsieur Blondet et monsieur le marquis ne nous manqueront pas si souvent, madame la comtesse…

— Moi, reculer devant des paysans, quand je n’ai pas reculé même sur le Danube !

— Oui, mais où sont vos cuirassiers ? demanda Blondet.

— Une si belle terre !…

— Vous en aurez aujourd’hui plus de deux millions !

— Le château seul a dû coûter cela, dit monsieur de Troisville.

— Une des plus belles propriétés qu’il y ait à vingt lieues à la ronde ! dit le sous-préfet ; mais vous retrouverez mieux aux environs de Paris.

— Qu’a-t-on de rente avec deux millions ? demanda la comtesse.

— Aujourd’hui, environ quatre-vingt mille francs, répondit Blondet.

— Les Aigues ne rapportent pas en sac plus de trente mille francs, dit la comtesse ; encore, ces années-ci, vous avez fait d’immenses dépenses, vous avez entouré les bois de fossés…

— On a, dit Blondet, un château royal aujourd’hui, pour quatre cent mille francs, aux environs de Paris. On achète les folies des autres.

— Je croyais que vous teniez aux Aigues ? dit le comte à sa femme.

— Ne sentez-vous donc pas que je tiens mille fois plus à votre existence ? dit-elle. D’ailleurs, depuis la mort de ma pauvre Olympe, depuis l’assassinat de Michaud, ce pays m’est devenu