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lièvre s’en va ; vous êtes maître de cette adorable baignoire parée des joncs vivants les plus magnifiques. Sur vos têtes les arbres pendent tous dans des attitudes diverses ; c’est des troncs qui descendent en forme de boas constrictors ; c’est des fûts de hêtres droits comme des colonnes grecques. Les limaçons ou les limaces se promènent en paix. Une tanche vous montre son museau ; l’écureuil vous regarde. Enfin, quand Emile et la comtesse, fatigués, se furent assis, le rossignol fit entendre un chant que tous les oiseaux écoutèrent, un de ces chants fêtés avec amour, et qui s’entendent par tous les organes ensemble.

— Quel silence ! dit la comtesse émue et à voix basse.

Ils regardèrent les taches vertes de l’eau, qui sont des mondes où la vie s’organise, les lézards qui s’enfuyaient en les voyant, conduite par laquelle il a mérité le nom d’ami de l’homme ; " Il prouve ainsi combien il le connaît ", dit Emile. Cette poésie pénétrante les pénétrait, ils se montraient les grenouilles, qui, plus confiantes, revenaient à fleur d’eau sur des lits de cresson, et montraient leurs yeux d’escarboucles. En ce moment Blondet dit à l’oreille de la comtesse :

— Entendez-vous ?…

— Quoi !

— Un bruit singulier.

— Voilà bien les gens de cabinet qui ne savent rien de la campagne ; c’est un pivert qui fait son trou Je gage que vous ne savez même pas le trait le plus curieux de la conduite de cet oiseau ; dès qu’il a donné un coup de bec, et il en donne des milliers pour creuser un chêne deux fois plus gros que votre corps, il va voir derrière s’il a percé l’arbre, et il y va à chaque instant.

— Ce bruit, chère institutrice d’histoire surnaturelle, n’est pas le bruit fait par un animal ; il y a je ne sais quoi d’intelligent qui annonce l’homme.

La comtesse fut saisie d’une peur panique ; elle se sauva dans la corbeille de fleurs en reprenant son chemin, et voulut quitter la forêt.