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où s’étalaient par étages les beaux arbres de la forêt. La comtesse était sortie en pantoufles, elle regardait ses fleurs qui versaient leurs parfums du matin, elle avait un peignoir de batiste sous lequel paraissait le rose de ses belles épaules, elle avait un joli bonnet coquet posé d’une façon à exprimer la mutinerie, ses cheveux s’en échappaient follement, ses pieds brillaient en couleur de chair sous son bas clair. Elle allait sans ceinture, et laissait voir un joli jupon de dessous brodé, mal attaché sur son corps à la paresseuse, qui se voyait aussi quand le vent entr’ouvrait le peignoir….

— Ah ! vous êtes là ! dit-elle.

— Oui…

— Que regardez-vous ?

— Belle question ! vous m’avez arraché à la nature. Dites donc, comtesse, voulez-vous faire ce matin, avant de déjeuner, une promenade dans les bois…

— Quelle idée ! j’ai la marche en horreur.

— Nous ne marcherons que très peu, je vous conduirai en tilbury, nous emmènerons Joseph pour le garder… Vous n’avez jamais mis le pied dans votre forêt, et j’y remarque un singulier phénomène… Il y a par places une certaine quantité de têtes d’arbres qui ont la couleur du bronze florentin, les feuilles sont sèches…

— Eh bien ! je vais m’habiller…

— Nous ne serons pas partis dans deux heures ; passez seulement une robe, et mettez des brodequins… Je vais dire d’atteler.

— Il faut faire ce que vous voulez. Vous êtes mon hôte.

— Général, nous allons promener, voulez-vous venir ? dit Blondet en allant réveiller le comte qui fit entendre le grognement d’un homme que le sommeil du matin tient encore.

Un quart d’heure après, le tilbury roulait sur les allées du parc, suivi à distance par un grand domestique en livrée.

La matinée était une matinée de septembre. Le bleu foncé du ciel éclatait par places au milieu des nuages pommelés qui semblaient le fond et l’éther ne paraissait que l’accident ; il y avait de longues lignes d’outre-mer à l’horizon, mais par couches qui alternaient avec d’autres nuages à grains de sables ; ces tons changeaient et verdissaient au-dessus des forêts. La terre sous cette couverture