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excita quelques murmures, dont il s’inquiéta fort peu ; il alla droit au lieutenant de la gendarmerie de La-Ville-aux-Fayes, et après lui avoir dit quelques mots et lui avoir remis un papier, l’officier se tourna vers ses hommes et leur dit :

— Laissez aller vos prisonniers, le général a obtenu leur grâce du roi.

En ce moment, le général Montcornet causait avec le maire de Couches ; mais, après quelques moments de conversation échangée à voix basse, celui-ci, s’adressant aux délinquants qui devaient coucher en prison et qui se trouvait tout étonnés d’être libres, leur dit :

— Mes amis, remerciez monsieur le comte, c’est lui à qui vous devez la remise de vos condamnations ; il a demandé votre grâce à Paris et l’a obtenue pour l’anniversaire de la rentrée du roi… J’espère qu’à l’avenir vous vous conduirez mieux envers un homme qui se conduit si bien envers vous, et que vous respecterez dorénavant ses propriétés. Vive le roi !

Et les paysans crièrent : " Vive le roi ! " avec enthousiasme, pour ne pas crier : " Vive le comte de Montcornet. "

Cette scène avait été politiquement méditée par le général, d’accord avec le préfet et le procureur-général, car on avait voulu, tout en montrant de la fermeté pour stimuler les autorités locales et frapper l’esprit des campagnes, user de douceur, tant ces questions paraissaient délicates. En effet, la résistance, au cas où elle aurait eu lieu, jetait le gouvernement dans de grands embarras. Comme l’avait dit Laroche, on ne pouvait pas guillotiner toute une commune.

Le général avait invité à déjeuner le maire de Couches, le lieutenant et le maréchal-des-logis. Les conspirateurs de Blangy restèrent dans le cabaret de Couches, où les délinquants délivrés employaient à boire l’argent qu’ils emportaient pour vivre en prison, et les gens de Blangy furent naturellement de la noce, car les gens de la campagne appliquent le mot de noce à toutes les réjouissances. Boire, se quereller, se battre, manger et rentrer ivre et malade, c’est faire la noce.

Sortis par la grille de Couches, le comte ramena ses trois convives par la forêt, afin de leur montrer les traces des dégâts et leur faire juger l’importance de cette question.

Au moment où, vers midi, Rigou rentrait à Blangy, le comte,