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séparée, et donnaient un point de vue à la grille du parc des Aigues qui venait jusque-là. Devant l’église se trouvait une place entourée d’arbres, où les conspirateurs du Grand-I-Vert aperçurent la gendarmerie, et ils doublèrent alors leurs pas précipités. En ce moment, trois hommes à cheval sortirent par la grille de Couches, et les paysans reconnurent le général et son domestique avec Michaud, le garde-général, qui s’élancèrent au galop vers la place, Tonsard et les siens y arrivèrent quelques minutes après eux. Les délinquants, hommes et femmes, n’avaient fait aucune résistance ; ils étaient tous entre les cinq gendarmes de Soulanges et les quinze autres venus de La-Ville-aux-Fayes. Tout le village était rassemblé là. Les enfants, les pères et les mères des prisonniers allaient et venaient et leur apportaient ce dont ils avaient besoin pour passer le temps de leur prison. C’était un coup d’œil assez curieux que celui de cette population campagnarde, exaspérée, mais à peu près silencieuse comme si elle avait pris un parti. Les vieilles et les trois jeunes femmes étaient les seules qui parlassent. Les enfants, les petites filles étaient juchés sur des bois et des tas de pierres pour mieux voir.

— Ils ont bien pris leur temps, ces hussards de la guillotine, ils sont venus un jour de fête…

— Ah çà ! vous laissez donc emmener comme ça votre homme !… Qu’allez-vous donc devenir pendant trois mois, les meilleurs de l’année, où les journées sont bien payées…

— C’est eux qui sont les voleurs !… répondit la femme en regardant les gendarmes d’un air menaçant.

— Qu’avez-vous donc la vieille, à loucher comme ça ! dit le maréchal-des-logis, sachez que votre affaire ne sera pas longue à bâcler si vous vous permettez de nous injurier.

— Je n’ai rien dit, s’empressa de dire la femme d’un air humble et piteux.

— J’en entendu tout à l’heure un propos dont je pourrai vous faire repentir…

— Allons, mes enfants, du calme ! dit le maire de Couches, qui était le maître-de-poste. Que diable ! ces hommes, on les commande, il faut bien qu’ils obéissent.

— C’est vrai ! c’est le bourgeois des Aigues qui fait tout cela… Mais patience.

En ce moment, le général déboucha sur la place, et son arrivée