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qui n’entend pas raison sur l’article dépense ; il me faut des associés. Le père l’empoigneur n’a-t-il pas ses fonds prêts ? Il n’a pas une hypothèque qui ne soit à terme, et il ne prête plus que sur billets au jeu, dont je réponds. Je m’y mets pour huit cent mille francs, mon fils, le juge, deux cent mille ; nous comptons sur l’empoigneur pour deux cent mille ; pour combien voulez-vous y être, père la calotte ?

— Pour le reste, dit froidement Rigou.

— Tudieu ! je voudrais avoir la main où vous avez le cœur ! dit Gaubertin. Et que ferez-vous ?

— Mais je ferai comme vous ; dites votre plan.

— Mon plan à moi, reprit Gaubertin, est de prendre double pour vendre moitié à ceux qui en voudront dans Couches, Cerneux et Blangy. Le père Soudry aura ses pratiques à Soulanges, et vous, les vôtres ici. Ce n’est pas l’embarras ; mais comment nous entendrons-nous, entre nous ? comment partagerons-nous les grands lots ?…

— Mon Dieu ! rien n’est plus simple, dit Rigou. Chacun prendra ce qui lui conviendra le mieux. Moi d’abord je ne gênerai personne, je prendrai les bois avec mon gendre et le père Soudry ; ces bois sont assez dévastés pour ne pas vous tenter ; nous vous laisserons votre part dans le reste, ça vaut bien votre argent, ma foi !

— Nous signerez-vous ça ? dit Soudry.

— L’acte ne vaudrait rien, répondit Gaubertin. D’ailleurs, vous voyez que je joue franc jeu ; je me fie entièrement à Rigou, c’est lui qui sera l’acquéreur.

— Ca me suffit, dit Rigou.

— Je n’y mets qu’une condition, j’aurai le pavillon du Rendez-vous, ses dépendances et cinquante arpents autour ; je vous payerai les arpents. Je ferai du pavillon ma maison de campagne, elle sera près de mes bois. Madame Gaubertin, madame Isaure, comme elle veut qu’on la nomme, en fera sa villa, dit-elle.

— Je le veux bien, dit Rigou.

— Eh ! entre nous, reprit Gaubertin à voix basse, après avoir regardé de tous les côtés, et s’être bien assuré que personne ne pouvait l’entendre, les croyez-vous capables de faire quelque mauvais coup ?

— Comme quoi ? demanda Rigou qui ne voulait jamais rien comprendre à demi-mot.