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Sans être ni un homme d’esprit ni un homme de talent, Gaubertin en avait l’apparence ; il devait la justesse de son coup d’œil et sa malice à une excessive âpreté pour le gain. Il ne voulait sa fortune ni pour sa femme, ni pour ses deux filles, ni pour son fils, ni pour lui-même, par esprit de famille, ni pour la considération que donne l’argent ; outre sa vengeance qui le faisait vivre, il aimait le jeu de l’argent comme Nucingen, qui manie toujours, dit-on, de l’or dans ses deux poches à la fois. Le train des affaires était la vie de cet homme ; et, quoiqu’il eût le ventre plein, il déployait l’activité d’un homme à ventre creux. Semblable aux valets de théâtre, les intrigues, les tours à jouer, les coups à organiser, les tromperies, les finasseries commerciales, les comptes à rendre, à recevoir, les scènes, les brouilles d’intérêt l’émoustillaient, lui maintenaient le sang en circulation, lui répandaient également la bile dans le corps. Et il allait, il venait à cheval, en voiture, par eau, dans les ventes aux adjudications, à Paris, toujours pensant à tout, tenant mille fils entre ses mains et ne les brouillant pas.

Vif, décidé dans ses mouvements comme dans ses idées, petit, court, ramassé, le nez fin, l’œil allumé, l’oreille dressée, il tenait du chien de chasse. Sa figure hâlée, brune et toute ronde, de laquelle se détachaient des oreilles brûlées, car il portait habituellement une casquette, était en harmonie avec ce caractère. Son nez était retroussé, ses lèvres serrées ne devaient jamais s’ouvrir pour une parole bienveillante. Ses favoris touffus formaient deux buissons noirs et luisants au-dessous de deux pommettes violentes de couleur, et se perdaient dans sa cravate. Des cheveux frisottants, naturellement étagés comme ceux d’une perruque de vieux magistrat, blancs et noirs, tordus comme par la violence du feu qui chauffait son crâne brun, qui pétillait dans ses yeux gris enveloppés de rides circulaires, sans doute par l’habitude de toujours cligner en regardant à travers la campagne en plein soleil, complétaient bien sa physionomie. Sec, maigre, nerveux, il avait les mains velues, crochues, bossuées, des gens qui payent de leur personne. Cette allure plaisait aux gens avec lesquels il traitait, car il s’enveloppait d’une gaîté trompeuse ; il savait beaucoup parler sans rien dire de ce qu’il voulait taire ; il écrivait peu pour pouvoir nier ce qui lui était défavorable dans ce qu’il laissait échapper. Ses écritures étaient tenues par un caissier, un homme probe que les gens du