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cordons était l’insigne de ses fonctions. Ce gars avait été loué par le limonadier à la dernière foire, car dans cette vallée comme dans toute la Bourgogne, les gens se prennent sur la place pour l’année, absolument comme on y achète des chevaux.

— Comment te nomme-t-on ? lui dit Rigou.

— Michel, pour vous servir, répondit le garçon.

— Ne vois-tu pas ici quelquefois le père Fourchon ?

— Deux ou trois fois par semaine, avec monsieur Vermichel, qui me donne quelques sous pour l’avertir quand sa femme déboule sur eux…

— C’est un brave homme le père Fourchon, et instruit, dit Rigou, qui paya sa limonade et quitta ce café nauséabond en voyant sa carriole que le père Socquard avait amenée devant le café.

En montant dans sa voiture, le père Rigou aperçut le pharmacien, et il le héla par un : " Ohé, monsieur Vermut ! " En reconnaissant le richard, Vermut hâta le pas, Rigou le rejoignit et lui dit à l’oreille :

— Croyez-vous qu’il y ait des réactifs qui puissent désorganiser le tissu de la peau jusqu’au point de produire un mal réel, comme un panaris au doigt ?…

— Si monsieur Gourdon veut s’en mêler, oui, répondit le petit savant.

— Vermut ! pas un mot là-dessus, ou sinon nous serions brouillés ; mais parlez-en à monsieur Gourdon, et dites-lui de venir me voir après-demain ; je lui procurerai l’opération assez délicate de couper un index.

Puis, l’ancien maire, laissant le petit pharmacien ébahi, monta dans sa carriole à côté de Marie Tonsard.

— Eh bien ! petite vipère, lui dit-il en lui prenant le bras quand il eut attaché les guides de sa bête à un anneau sur le devant du tablier de cuir qui fermait sa carriole, et que le cheval eut pris son allure, tu crois donc que tu garderas Bonnébault en te livrant à des violences pareilles… Si tu étais sage, tu favoriserais son mariage avec cette grosse tonne de bêtise, et alors tu pourrais te venger.

Marie ne put s’empêcher de sourire en répondant :

— Ah ! que vous êtes vicieux ! vous êtes bien notre maître à tous !