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qu’aux vers de ton cercueil !… Ne te mêle pas plus des affaires de Nicolas que des miennes avec Bonnébault.

Marie, stimulée par sa grand’mère, avait, comme on le voit, suivi Bonnébault ; en l’épiant, elle l’avait vu, par la fenêtre où stationnait en ce moment Rigou, déployant ses grâces et disant des flatteries assez agréables à mademoiselle Socquard, pour qu’elle se crût obligée de lui sourire. Ce sourire avait déterminé la scène au milieu de laquelle éclata cette révélation assez précieuse pour Rigou.

— Eh bien ! père Rigou, vous dégradez mes propriétés ?… dit Socquard en frappant sur l’épaule de l’usurier.

Le cafetier, venu d’une grange située au bout de son jardin et d’où l’on retirait plusieurs jeux publics, tels que machines à se peser, chevaux à courir la bague, balançoires périlleuses, etc., pour les monter aux places qu’ils occupaient dans son Tivoli, avait marché sans faire de bruit, car il portait ces pantoufles en cuir jaune dont le bas prix en fait vendre des quantités considérables en province.

— Si vous aviez des citrons frais, je me ferais une limonade, répondit Rigou, la soirée est chaude.

— Mais qui piaille ainsi ? dit Socquard en regardant par la fenêtre et voyant sa fille aux prises avec Marie.

— On se dispute Bonnébault, répliqua Rigou d’un air sardonique.

Le courroux du père fut alors comprimé chez Socquard par l’intérêt du cafetier. Le cafetier jugea prudent d’écouter du dehors comme faisait Rigou ; tandis que le père voulait entrer et déclarer que Bonnébault, plein de qualités estimables aux yeux d’un cafetier, n’en avait aucune de bonne comme gendre d’un des notables de Soulanges. Et cependant le père Socquard recevait peu de propositions de mariage. A vingt-deux ans, la fille faisait comme largeur, épaisseur et poids, concurrence à madame Vermichel, dont l’agilité paraissait un phénomène. L’habitude de tenir un comptoir augmentait encore la tendance à l’embonpoint qu’Aglaé devait au sang paternel.

— Quel diable ces filles ont-elles au corps ? demanda le père Socquard à Rigou.

— Ah ! répondit l’ancien bénédictin, c’est de tous les diables celui que l’Église a saisi le plus souvent.

Socquard, pour toute réponse, se mit à examiner sur les tableaux qui séparent les fenêtres les queues de billard dont la