Vous ne savez pas ce que c’est. Moi-même, qui ne suis pas un imbécile, je ne répondrai pas de moi, quand je me verrai malade. Je me réconcilierai sans doute avec l’Église.
— Permettez-nous de l’espérer, dit le curé pour qui Rigou venait à dessein d’élever la voix.
— Hélas ! la faute que j’ai faite en me mariant empêche cette réconciliation, répondit Rigou ; je ne peux pas tuer madame Rigou.
— En attendant, pensons aux Aigues, dit madame Soudry.
— Oui, répondit l’ex-Bénédictin. Savez-vous que je trouve notre compère de La-Ville-aux-Fayes plus fort que nous ? J’ai dans l’idée que Gaubertin veut les Aigues à lui seul, et qu’il nous mettra dedans, répondit Rigou, qui, pendant le chemin, avait frappé avec le bâton de la prudence aux endroits obscurs qui, chez Gaubertin, sonnaient le creux.
— Mais les Aigues ne seront à personne de nous trois, il faut les démolir de fond en comble, répondit Soudry.
— D’autant plus, que je ne serais pas étonné qu’il s’y trouvât de l’or caché, dit finement Rigou.
— Bah !
— Oui, durant les guerres d’autrefois, les seigneurs, souvent assiégés, surpris, enterraient leurs écus pour pouvoir les retrouver, et vous savez que le marquis de Soulanges-Hautemer, en qui la branche cadette a fini, a été l’une des victimes de la conspiration Biron. La comtesse de Moret a eu la terre par confiscation…
— Ce que c’est que de savoir l’histoire de France ! dit le gendarme. Vous avez raison, il est temps de convenir de nos faits avec Gaubertin.
— Et, s’il biaise, dit Rigou, nous verrons à le fumer.
— Il est maintenant assez riche, dit Lupin, pour être honnête homme.
— Je répondrais de lui comme de moi, répondit madame Soudry, c’est le plus honnête homme du royaume.
— Nous croyons à son honnêteté, reprit Rigou : mais il ne faut rien négliger entre amis… A propos, je soupçonne quelqu’un à Soulanges de vouloir se mettre en travers…
— Et qui ? demanda Soudry.
— Plissoud, répondit Rigou.
— Plissoud ! reprit Landry, la pauvre rosse ! Brunet le tient par la longe, et sa femme par la mangeoire ; demandez à Lupin ?