Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/437

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne digéra pas un jour le mot croûte-au-pot, dit pour un meuble acheté d’occasion. — Ma femme n’est pas comme la vôtre, elle n’est pas encore définie, répondit-il.

Lupin cachait sous sa grosse enveloppe un esprit subtil ; il avait le bon sens de taire sa fortune, au moins aussi considérable que celle de Rigou.

Le fils à monsieur Lupin, Amaury, désolait son père. Ce fils unique, un des dons Juans de la vallée, se refusait à suivre la carrière paternelle ; il abusait de son avantage de fils unique en faisant d’énormes saignées à la caisse, sans jamais épuiser l’indulgence de son père, qui disait à chaque escapade : " J’ai pourtant été comme cela ! " Amaury ne venait jamais chez madame Soudry qui l’embêtait (sic ), car elle avait, par un souvenir de femme de chambre, tenté de faire l’éducation de ce jeune homme, que ses plaisirs conduisaient au billard du Café de la Paix. Il y hantait la mauvaise compagnie de Soulanges, et même les Bonnébault. Il jetait sa gourne (un mot de madame Soudry), et répondait aux remontrances de son père par ce refrain perpétuel : " Renvoyez-moi à Paris, je m’ennuie ici !… "

Lupin finissait, hélas ! comme tous les beaux, par un attachement quasi conjugal. Sa passion connue était la femme du second huissier, audiencier de la justice-de-paix, madame Euphémie Plissoud, pour laquelle il n’avait pas de secrets. La belle madame Plissoud, fille de Vattebled l’épicier, régnait dans la seconde société comme madame Soudry dans la première. Ce Plissoud, le concurrent malheureux de Brunet, appartenait donc à la seconde société de Soulanges ; car la conduite de sa femme, qu’il autorisait, disait-on, lui valait le mépris public de la première.

Si Lupin était le musicien de la première société, monsieur Gourdon, le médecin, en était le savant. On disait de lui : " Nous avons ici un savant du premier mérite. " De même que madame Soudry (qui s’y connaissait pour avoir introduit le matin chez sa maîtresse Piccini et Glück, et pour avoir habillé mademoiselle Laguerre à l’Opéra) persuadait à tout le monde, même à Lupin, qu’il aurait fait fortune avec sa voix ; de même elle regrettait que le médecin ne publiât rien de ses idées.

Monsieur Gourdon répétait tout bonnement les idées de Buffon et de Cuvier sur le globe, ce qui pouvait difficilement le poser comme savant aux yeux des Soulangeois ; mais il faisait une collection