Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/430

Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’ancienne femme de chambre de mademoiselle Laguerre avait absorbé le chef de la communauté, cette maison entièrement moderne avait été bâtie par un riche marchand de vin, né à Soulanges, qui, après avoir fait sa fortune à Paris, revint en 1793 acheter du blé pour sa ville natale. Il y fut massacré comme accapareur par la populace, ameutée au cri d’un misérable maçon, l’oncle de Godain, avec lequel il avait des difficultés à propos de son ambitieuse bâtisse.

La liquidation de cette succession, vivement discutée entre collatéraux, traîna si bien qu’en 1798, Soudry, de retour à Soulanges, put acheter pour mille écus en espèces le palais du marchand de vin, et il le loua d’abord au département pour y loger la gendarmerie. En 1811, mademoiselle Cochet, que Soudry consultait en toute chose, s’opposa vivement à ce que le bail fût continué, trouvant cette maison inhabitable, en concubinage disait-elle, avec une caserne. La ville de Soulanges, aidée par le département, bâtit alors un hôtel à la gendarmerie, dans une rue latérale à la mairie. Le brigadier nettoya sa maison, y restitua le lustre primitif souillé par l’écurie et par l’habitation des gendarmes.

Cette maison, élevée d’un étage et coiffée d’un toit percé de mansardes, voit le paysage par trois façades, une sur la place l’autre sur le lac, et la troisième sur un jardin. Le quatrième côté donne sur une cour qui sépare les Soudry de la maison voisine, occupée par un épicier nommé Vattebled, un homme de la seconde société, père de la belle madame Plissoud, de laquelle il sera bientôt question.

Toutes les petites villes ont une belle madame, comme elles ont un Socquard et un Café de la Paix.

Chacun devine que la façade sur le lac est bordée d’une terrasse à jardinet d’une médiocre élévation, terminée par une balustrade en pierre et qui longe la route cantonale. On descend de cette terrasse dans le jardin par un escalier sur chaque marche duquel se trouve un oranger, un grenadier, un myrte et autres arbres d’ornement, qui nécessitent au bout du jardin une serre que madame Soudry s’obstine à nommer une resserre. Sur la place, on entre dans la maison par un perron élevé de plusieurs marches. Selon l’habitude des petites villes, la porte cochère, réservée au service de la cour, au cheval du maître et aux arrivages