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A l’intérieur, la salle boisée à hauteur d’appui était tendue de vieilles tapisseries. Les meubles en noyer, bruns de vieillesse et garnis en tapisserie à la main, s’harmoniaient avec la boiserie, avec le plancher également en bois. Le plafond montrait trois poutres en saillie, mais peintes, et à entre-deux plafonnés. La cheminée en bois de noyer, surmontée d’une glace dans un trumeau grotesque, n’offrait d’autre ornement que deux oeufs en cuivre montés sur un pied de marbre, et qui se partageaient en deux, la partie supérieure retournée donnait une bobèche. Ces chandeliers à deux fins, embellis de chaînettes, une invention du règne de Louis XV, commencent à devenir rares. Sur la paroi opposée aux fenêtres, et posée sur un socle vert et or, s’élevait une horloge commune, mais excellente. Les rideaux criant sur leurs tringles en fer, dataient de cinquante ans, leur étoffe en coton à carreaux, semblables à ceux des matelas, alternés de rose et de blanc, venait des Indes. Un buffet et une table à manger complétaient cet ameublement, tenu, d’ailleurs, avec une excessive propreté. Au coin de la cheminée, on apercevait une immense bergère de curé, le siége spécial de Rigou. Dans l’angle, au-dessus du petit bonheur du jour qui lui servait de secrétaire, on voyait accroché à la plus vulgaire patère, un soufflet, origine de la fortune de Rigou.

Sur cette succincte description, dont le style rivalise celui des affiches de vente, il est facile de deviner que les deux chambres respectives de monsieur et madame Rigou, devaient être réduites au strict nécessaire ; mais on se tromperait en pensant que cette parcimonie pût exclure la bonté matérielle des choses. Ainsi la petite maîtresse la plus exigeante se serait trouvée admirablement couchée dans le lit de Rigou, composé d’excellents matelas, de draps en toile fine, grossi d’un lit de plumes acheté jadis pour quelqu’abbé par une dévote, garanti des bises par de bons rideaux. Ainsi de tout, comme on va le voir.

Ce bénédictin, esprit astucieux autant que profond, avait réduit sa femme, qui ne savait ni lire et écrire, ni compter, à une obéissance absolue. Après avoir gouverné le défunt, la pauvre créature finissait servante de son mari, faisant la cuisine, la lessive, à peine aidée par une très jolie fille appelée Annette, âgée de dix-neuf ans, aussi soumise à Rigou que sa maîtresse et qui gagnait trente francs par an.