— Dis-donc, Marie, il prend un drôle de chemin pour aller à Couches, ton bon ami ? cria la vieille Tonsard à sa petite-fille.
— Il va voir Aglaé ! dit Marie qui bondit à la porte, il faut que je la rosse une bonne fois, cette cane-là.
— Tiens, Vaudoyer, dit Tonsard à l’ancien garde-champêtre, va voir le père Rigou, nous saurons quoi faire, il est notre oracle, et ça ne coûte rien, sa salive.
— Encore une bêtise, s’écria tout bas Jean-Louis, il vend tout, Annette me l’a bien dit, il est plus dangereux qu’une colère à écouter.
— Je vous conseille d’être sages, reprit Langlumé, car le général est parti pour la Préfecture à cause de vos méfaits, et Sibilet me disait qu’il avait juré son honneur d’aller jusqu’à Paris parler au Chancelier de France, au roi, à toute la boutique, s’il le fallait, pour avoir raison de ses paysans.
— Ses paysans !… cria-t-on.
— Ah ! çà, nous ne nous appartenons donc plus ?
Sur cette question de Tonsard, Vaudoyer sortit pour aller chez l’ancien maire.
Langlumé, déjà sorti, se retourna sur les marches et répondit :
— Tas de fainéants ! avez-vous des rentes pour vouloir être vos maîtres ?…
Quoique dit en riant, ce mot profond fut compris à peu près de la même manière que les chevaux comprennent un coup de fouet.
— Ran, tan, plan ! vos maîtres… Dis donc, mon fistard, après ton coup de ce matin, ce n’est pas ma clarinette qu’on te mettra entre les cinq doigts et le pouce, dit Fourchon à Nicolas.
— Ne l’asticote pas, il est capable de te faire rendre ton vin en te frottant le ventre, répliqua brutalement Catherine à son grand-père.
XIII. L’Usurier des campagnes
Stratégiquement, Rigou se trouvait à Blangy ce qu’est à la guerre une sentinelle avancée. Il surveillait les Aigues, et bien. Jamais la police n’aura d’espions comparables à ceux qui se mettent au service de la Haine.
A l’arrivée du général aux Aigues, Rigou forma sans doute sur lui quelque projet que le mariage de Montcornet avec une Troisville