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jeune !… Dis donc, Courtebotte, si ta femme était là… je la trouverais jeune ! Décidément le vin d’Espagne enfonce le vin cuit !… Faut faire une révolution rien que pour vider les caves !…

— Mais quelle nouvelle, papa ?… dit Tonsard.

— Y aura pas de moisson pour vous autres, le Tapissier va vous interdire le glanage.

— Interdire le glanage !… cria tout le cabaret d’une seule voix dominée par les faussets des quatre femmes.

— Oui, dit Mouche, il va prendre un arrêté, le faire publier par Groison, le faire afficher dans le canton, et il n’y aura que ceux qui auront des certificats d’indigence qui glaneront.

— Et saisissez bien ceci ?… dit Fourchon, les fricoteurs des autres communes ne seront pas reçus.

— De quoi ! de quoi, dit Bonnébault. Ma grand’mère, ni moi, ni ta mère à toi Godain, nous ne pourrons pas glaner par ici ?… En voilà des farces d’autorités ? je les embête ! Ah ! çà, c’est donc un décharné des enfers, que ce général de maire ?…

— Glaneras-tu, tout de même, toi Godain ? dit Tonsard au garçon charron qui parlait d’un peu près à Catherine.

— Moi, je n’ai rien, je suis indigent, répondit-il, je demanderai un certificat…

— Qu’est-ce qu’on a donc donné à mon père pour sa loutre, mon bibi ?… disait la belle cabaretière à Mouche.

Quoique succombant sous une digestion pénible et l’œil troublé par deux bouteilles de vin, Mouche assis sur les genoux de la Tonsard, pencha la tête sur le cou de sa tante et lui répondit finement à l’oreille : — Je ne sais pas, mais il a de l’or !… Si vous voulez me crânement nourrir pendant un mois, peut-être bien que je découvrirai sa cachette, il en a eune !

— Le père a de l’or !… dit la Tonsard à l’oreille de son mari qui dominait de sa voix le tumulte occasionné par la vive discussion à laquelle participaient tous les buveurs.

— Chut ! v’là Groison qui passe ! cria la vieille.

Un silence profond régna dans le cabaret. Lorsque Groison fut à une distance convenable, la vieille Tonsard fit un signe, et la discussion recommença sur la question de savoir si l’on glanerait, comme par le passé, sans certificat d’indigence.

— Faudra bien que vous obéissiez, dit le vieux Fourchon, car le Tapissier est allé voir el Parfait et lui demander des troupes pour