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Avec une rapidité foudroyante, Catherine Tonsard, en disant cette horrible phrase, saisit la Péchina par la taille, la renversa sur l’herbe, la priva de toute sa force en la mettant à plat, et la maintint dans cette dangereuse position. En apercevant son odieux persécuteur, l’enfant se mit à crier à pleins poumons, et envoya Nicolas à cinq pas de là, d’un coup de pied donné dans le ventre ; puis elle se renversa sur elle-même comme un acrobate avec une dextérité qui trompa les calculs de Catherine, et se releva pour fuir. Catherine, restée à terre, étendit la main, prit la Péchina par le pied, la fit tomber tout de son long, la face contre terre ; et cette chute affreuse arrêta les cris incessants de la courageuse Monténégrine. Nicolas, qui, malgré la violence du coup, s’était remis, revint furieux et voulut saisir sa victime. Dans ce danger, quoiqu’étourdie par le vin, l’enfant saisit Nicolas à la gorge et la lui serra par une étreinte de fer.

— Elle m’étrangle ! au secours, Catherine ! cria Nicolas d’une voix qui passait péniblement par le larynx.

La Péchina jetait aussi des cris perçants, Catherine essaya de les étouffer en mettant sa main sur la bouche de l’enfant, qui la mordit au sang. Ce fut alors que Blondet, la comtesse et le curé se montrèrent sur la lisière du bois.

— Voilà les bourgeois des Aigues, dit Catherine.

— Veux-tu vivre ? dit Nicolas Tonsard à l’enfant d’une voix rauque.

— Après ? dit la Péchina.

— Dis-leur que nous jouions, et je te pardonne, reprit Nicolas d’un air sombre.

— Mâtine ! le diras-tu ?… répéta Catherine dont le regard fut encore plus terrible que la menace meurtrière de Nicolas.

— Oui, si vous me laissez tranquille, répliqua l’enfant. D’ailleurs, je ne sortirai plus sans mes ciseaux !

— Tu te tairas, ou je te flanquerai dans l’Avonne, dit la féroce Catherine.

— Vous êtes des monstres !… cria le curé, vous mériteriez d’être arrêtés et envoyés en cour d’assises…

— Ah çà, que faites-vous dans vos salons, vous autres ? demanda Nicolas en regardant la comtesse et Blondet qui frémirent. Vous jouez, n’est-ce pas ? Eh ! bien, les champs sont à nous, on ne