depuis quelques jours, il guette la Péchina. Ce matin, je me suis tenu pendant deux heures sous le pont d’Avonne pour surprendre mon drôle, qu’une femme aura peut-être aidé dans son entreprise.
— C’est affreux ! dit la comtesse.
— Ils croient plaisanter, ajouta le curé d’un ton amer et triste.
— Oh ! la Péchina ne se laissera pas arrêter, dit le garde-général, elle est capable d’avoir traversé l’Avonne à la nage… Je vais visiter les bords de la rivière. Toi, ma chère Olympe, retourne au pavillon, et vous, messieurs, ainsi que madame, promenez-vous dans l’allée vers Couches.
— Quel pays !… dit la comtesse.
— Il y a de mauvais garnements partout, reprit Blondet.
— Est-il vrai, monsieur le curé, demanda madame de Montcornet, que j’aie sauvé cette petite des griffes de Rigou ?
— Toutes les jeunes filles au-dessous de quinze ans que vous voudrez recueillir au château seront arrachées à ce monstre, répondit l’abbé Brossette. En essayant d’attirer cette enfant chez lui, dès l’âge de douze ans, madame, l’apostat voulait satisfaire à la fois et son libertinage et sa vengeance. En prenant le père Niseron pour sacristain j’ai pu faire comprendre à ce bonhomme les intentions de Rigou, qui lui parlait de réparer les torts de son oncle, mon prédécesseur à la cure. C’est un des griefs de l’ancien maire contre moi, sa haine en est accrue…. Le père Niseron a déclaré solennellement à Rigou qu’il le tuerait, s’il arrivait malheur à Geneviève, et il l’a rendu responsable de toute atteinte à l’honneur de cette enfant. Je ne serais pas éloigné de voir dans la poursuite de Nicolas Tonsard quelque infernale combinaison de cet homme, qui se croit tout permis ici….
— Il ne craint donc pas la justice ?… dit Blondet.
— D’abord, il est le beau-père du Procureur du Roi, répondit le curé qui fit une pause. Puis vous ne soupçonnez pas, reprit-il, l’insouciance profonde de la police cantonale et du Parquet à l’égard de ces gens-là. Pourvu que les paysans ne brûlent pas les fermes, qu’ils n’assassinent pas, qu’ils n’empoisonnent pas, et qu’ils paient leurs contributions, on les laisse faire ce qu’ils veulent entr’eux ; et, comme ils sont sans principes religieux, il se passe des choses affreuses. De l’autre côté du bassin de l’Avonne, les vieillards impotents tremblent de rester à la maison, car alors on ne