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son splendide extérieur. Au rez-de-chaussée, en y rétablissant les divisions primitives, l’architecte envoyé de Paris avec des ouvriers, grief vivement reproché par les gens de La-Ville-aux-Fayes au bourgeois des Aigues, avait ménagé quatre pièces. D’abord, une antichambre au fond de laquelle tournait un vieil escalier de bois à balustres, et derrière laquelle s’étendait une cuisine ; puis, de chaque côté de l’antichambre, une salle à manger et le salon plafonné d’armoiries, boisé tout en chêne devenu noir. Cet artiste, choisi par madame de Montcornet pour la restauration des Aigues, eut soin de mettre en harmonie le mobilier de ce salon avec les décors anciens. A cette époque, la mode ne donnait pas encore des valeurs exagérées aux débris des siècles passés. Les fauteuils en noyer sculpté, les chaises à dos élevés et garnies en tapisserie, les consoles, les horloges, les hautes-lices, les tables, les lustres enfouis chez les revendeurs d’Auxerre et de La-Ville-aux-Fayes, étaient de cinquante pour cent meilleur marché que les meubles de pacotille du faubourg Saint-Antoine. L’architecte avait donc acheté deux ou trois charretées de vieilleries bien choisies qui, réunies à ce qui fut mis hors de service au château, fit du salon de la porte d’Avonne une espèce de création artistique. Quant à la salle à manger, il la peignit en couleur de bois, il y tendit des papiers dits écossais, et madame Michaud y mit aux croisées des rideaux de percale blanche à bordure verte, des chaises en acajou garnies en drap vert, deux énormes buffets et une table en acajou. Cette pièce, ornée de gravures militaires, était chauffée par un poêle en fayence, de chaque côté duquel se voyaient des fusils de chasse. Ces magnificences si peu coûteuses, avaient été présentées dans toute la vallée comme le dernier mot du luxe asiatique. Chose étrange, elles excitèrent la convoitise de Gaubertin qui, tout en se promettant de mettre les Aigues en pièces, se réserva dès lors, in petto, ce pavillon splendide.

Au premier étage, trois chambres composaient l’habitation du ménage. On apercevait aux fenêtres des rideaux de mousseline qui rappelaient à un Parisien les dispositions et les fantaisies particulières aux existences bourgeoises. Là, madame Michaud, livrée à elle-même, avait voulu des papiers satinés. Sur la cheminée de sa chambre, meublée de ce meuble vulgaire en acajou et en velours d’Utrecht, du lit à bateau et à colonnes avec la couronne d’où descendaient des rideaux de mousseline brodée, se voyait une pendule en albâtre entre deux flambeaux