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milieu des pourparlers et des propositions qui le conduisirent à l’hôtel Montcornet, il y vit la première femme de Madame. Cette jeune fille, confiée à la comtesse par d’honnêtes fermiers des environs d’Alençon, avait quelques espérances de fortune, vingt ou trente mille francs, tous les héritages venus. Comme beaucoup de cultivateurs qui se sont mariés jeunes et dont les ancêtres vivent, le père et la mère se trouvant dans la gêne et ne pouvant donner aucune éducation à leur fille aînée, l’avaient placée auprès de la jeune comtesse. Madame de Montcornet fit apprendre la couture, les modes à mademoiselle Olympe Chazet, ordonna de la servir à part, et fut récompensée de ces égards par un de ces attachements absolus, si nécessaires aux Parisiennes. Olympe Chazet, jolie Normande, d’un blond à tons dorés, légèrement grasse, d’une figure animée par un œil spirituel et remarquable par un nez de marquise, fin et courbé, par un air virginal malgré sa taille cambrée à l’espagnole, offrait toutes les distinctions qu’une jeune fille née immédiatement au-dessus du peuple peut gagner dans le rapprochement que sa maîtresse avait permis. Convenablement mise, d’un maintien et d’une tournure décente, elle s’exprimait bien. Michaud fut donc facilement pris, surtout en apprenant que la fortune de sa belle serait assez considérable un jour. Les difficultés vinrent de la comtesse, qui ne voulait pas se séparer d’une fille si précieuse ; mais lorsque Montcornet eut expliqué sa situation aux Aigues, le mariage n’éprouva plus de retards que par la nécessité de consulter les parents, dont le consentement fut promptement donné.

Michaud, à l’exemple de son général, regarda sa jeune femme comme un être supérieur auquel il fallait obéir militairement, sans arrière-pensée. Il trouva dans cette quiétude et dans sa vie occupée au dehors, les éléments du bonheur que souhaitent les soldats en quittant leur métier : assez de travail pour ce que le corps en exige, assez de fatigues pour pouvoir goûter les charmes du repos. Malgré son intrépidité connue, Michaud n’avait jamais reçu de blessure grave, il n’éprouvait aucune de ces douleurs qui doivent aigrir l’humeur des vétérans, comme tous les êtres réellements forts, il avait l’humeur égale ; sa femme l’aima donc absolument. Depuis leur arrivée au pavillon, cet heureux ménage savourait les douceurs de sa lune de miel, en harmonie avec la Nature, avec l’art dont les créations l’entourai(en)t, circonstance assez rare ! Les choses