Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/361

Cette page n’a pas encore été corrigée

Après avoir écouté les plaintes du général, le comte de Castéran pria l’évêque, le procureur-général, le colonel de la gendarmerie, le conseiller Sarcus, et le général commandant la Division à déjeuner pour le lendemain.

Le Procureur-général, le baron Bourlac, si célèbre par les procès de madame de La Chanterie et Rifoël, était un de ces hommes acquis à tous les gouvernements, que leur dévouement au pouvoir, quel qu’il soit, rendent précieux. Après avoir dû son élévation à son fanatisme pour l’Empereur, il dut la conservation de son poste à son caractère inflexible et à la conscience de métier qu’il portait dans l’accomplissement de ses devoirs. Le procureur-général qui jadis poursuivait avec acharnement les restes de la chouannerie, poursuivit les bonapartistes avec un acharnement égal. Mais les années, les tempêtes avaient adouci sa rudesse, il était devenu comme tous les vieux diables, charmant de manières et de formes.

Le comte de Montcornet expliqua sa position, les craintes de son garde-général, parla de la nécessité de faire des exemples et de soutenir la cause de la propriété.

Ces hauts fonctionnaires écoutèrent gravement, sans répondre autre chose que des banalités, comme : — " Certainement, il faut que force reste à la loi. — Votre cause est celle de tous les propriétaires. — Nous y veillerons ; mais la prudence est nécessaire dans les circonstances où nous nous trouvons. — Une monarchie doit faire plus pour le peuple que le peuple ne ferait pour lui-même, s’il était, comme en 1793, le souverain. — Le peuple souffre, nous nous devons autant à lui qu’à vous ! "

L’implacable Procureur-général exposa tout doucement des considérations sérieuses et bienveillantes sur la situation des basses classes, qui eussent prouvé à nos futurs utopistes que les fonctionnaires de l’ordre élevé savaient déjà les difficultés du problème à résoudre par la société moderne.

Il n’est pas inutile de dire ici qu’à cette époque de la Restauration, des collisions sanglantes avaient eu lieu, sur plusieurs points du royaume, précisément à cause du pillage des bois et des droits abusifs que les paysans de quelques communes s’étaient arrogés. Le ministère, la cour n’aimaient ni ces sortes d’émeutes, ni le sang que faisait couler la répression, heureuse ou malheureuse. Tout en sentant la nécessité de sévir, on traitait les administrateurs de maladroits quand ils avaient comprimé les paysans, et ils étaient