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de ses concitoyens et de ses proches. Aussi le népotisme est-il pratiqué dans la sphère élevée du département, comme dans la petite ville de province. Qu’arrive-t-il ? Le pays, la localité triomphent sur des questions d’intérêt général, Paris est souvent écrasé, la vérité des faits est travestie. Enfin, une fois les grandes utilités publiques satisfaites, il est clair que les lois, au lieu d’agir sur les masses, en reçoivent l’empreinte, les populations se les adaptent au lieu de s’y adapter. Quiconque a voyagé dans le Midi, dans l’Ouest de la France, en Alsace, autrement que pour y coucher à l’auberge, voir les monuments ou le paysage, doit reconnaître la vérité de ces observations. Ces effets du népotisme bourgeois sont aujourd’hui des faits isolés ; mais l’esprit des lois actuelles tend à les augmenter. Cette plate domination peut causer de grands maux, comme le démontreront quelques événements du drame qui se jouait alors dans la vallée des Aigues.

Le système, renversé plus imprudemment qu’on ne le croit, le système monarchique et le système impérial remédiaient à cet abus, par des existences consacrées, par des classifications, par des contrepoids qu’on a si sottement définis des priviléges. Il n’existe pas de priviléges du moment où tout le monde est admis à grimper au mât de cocagne du pouvoir. Ne vaudrait-il pas mieux d’ailleurs des priviléges avoués, connus, que des priviléges ainsi surpris, établis par la ruse, en fraude de l’esprit qu’on veut faire public, qui reprennent l’œuvre du despotisme en sous-oeuvre et un cran plus bas qu’autrefois. N’aurait-on renversé de nobles tyrans, dévoués à leur pays, que pour créer d’égoïstes tyranneaux ? Le pouvoir sera-t-il dans les caves au lieu de régner à sa place naturelle ? On doit y songer, car l’esprit de localité tel qu’il vient d’être dessiné, gagnera la Chambre.

L’ami de Montcornet, le comte de la Roche-Hugon, avait été destitué peu de temps après la dernière visite du général. Cette destitution jeta cet homme d’État dans l’opposition libérale, où il devint un des coryphées du Côté gauche. Son successeur, heureusement pour Montcornet, était un gendre du marquis de Troisville, le comte de Castéran, qui reçut Montcornet comme un parent, et lui dit gracieusement de conserver ses habitudes à la Préfecture.