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chef avoué, reconnu par tous, grands et petits, était le maire de la ville, l’Agent-Général du commerce des bois, Gaubertin !…

Si de la Sous-Préfecture on descendait dans la vallée de l’Avonne, Gaubertin y dominait à Soulanges par les Soudry, par Lupin, adjoint au maire, régisseur de la terre de Soulanges et toujours en correspondance avec le comte, par Sarcus, le juge-de-paix, par Guerbet le percepteur, par Gourdon le médecin, qui avait épousé une Gendrin-Vatebled. Il gouvernait Blangy par Rigou, Couches par le maître-de-poste, maire absolu dans sa commune. A la manière dont l’ambitieux maire de La-Ville-aux-Fayes rayonnait dans la vallée de l’Avonne, on peut deviner comment il influait dans le reste de l’arrondissement.

Le chef de la maison Leclercq était un chapeau mis sur la députation. Le banquier avait consenti, dès l’origine, à laisser nommer Gaubertin à sa place, dès qu’il aurait obtenu la Recette générale du département. Soudry, le procureur du roi, devait passer Avocat-général à la Cour royale, et le riche juge d’instruction Guerbet attendait un siége de conseiller. Ainsi, l’occupation de ces places, loin d’être oppressive, garantissait de l’avancement aux jeunes ambitieux de la ville.

L’influence de Gaubertin était si sérieuse, si grande, que les fonds, les économies, l’argent caché des Rigou, des Soudry, des Gendrin, des Guerbet, des Lupin, de Sarcus-le-Riche lui-même, obéissaient à ses prescriptions. La-Ville-aux-Fayes croyait d’ailleurs en son maire. La capacité de Gaubertin n’était pas moins prônée que sa probité, que son obligeance ; il appartenait à ses parents, à ses administrés tout entier, mais à charge de revanche. Son conseil municipal l’adorait. Aussi tout le département blâmait-il monsieur Mariotte d’Auxerre d’avoir contrarié ce brave monsieur Gaubertin. Sans se douter de leur force, aucun cas de la montrer ne s’étant déclaré, les bourgeois de La-Ville-aux-Fayes se vantaient seulement de ne pas avoir d’étrangers chez eux, et ils se croyaient excellents patriotes. Rien n’échappait donc à cette intelligente tyrannie, inaperçue d’ailleurs, et qui paraissait à chacun le triomphe de la localité. Ainsi, dès que l’Opposition libérale déclara la guerre aux Bourbons de la branche aînée, Gaubertin, qui ne savait où