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l’arrondissement, parlait déjà de vendre son étude après cinq ans d’exercice. Il voulait s’en tenir à l’exercice de sa profession d’avocat, afin de pouvoir succéder à son oncle Gendrin quand celui-ci prendrait sa retraite. Le fils unique du président Gendrin était conservateur des hypothèques.

Soudry fils, qui, depuis deux ans, occupait le principal siége du ministère public, était un séide de Gaubertin. La fine madame Soudry n’avait pas manqué de solidifier la position du fils de son mari par un immense avenir, en le mariant à la fille unique de Rigou. La double fortune de l’ancien moine et celle des Soudry qui devait revenir au procureur du roi, faisaient de ce jeune homme l’un des personnages les plus riches et les plus considérables du département.

Le sous-préfet de La-Ville-aux-Fayes, monsieur des Lupeaulx, neveu du secrétaire-général d’un des plus importants ministères, était le mari désigné de mademoiselle Elise Gaubertin, la plus jeune fille du maire, dont la dot, comme celle de l’aînée, se montait à deux cent mille francs, sans les espérances ! Ce fonctionnaire fit de l’esprit sans le savoir en tombant amoureux d’Elise, à son arrivée à La-Ville-aux-Fayes en 1819. Sans ses prétentions, qui parurent sortables, depuis longtemps on l’aurait contraint à demander son changement ; mais il appartenait en espérance à la famille Gaubertin, dont le chef voyait dans cette alliance beaucoup moins le neveu que l’oncle. Aussi l’oncle, dans l’intérêt de son neveu, mettait-il toute son influence au service de Gaubertin.

Ainsi, l’Église, la Magistrature sous sa double forme, amovible et inamovible, la Municipalité, l’Administration, les quatre pieds du pouvoir marchaient au gré du maire.

Voici comment cette puissance s’était fortifiée au-dessus et au-dessous de la sphère où elle agissait.

Le département auquel appartient La-Ville-aux-Fayes est un de ceux dont la population lui donne le droit de nommer six députés. L’arrondissement de La-Ville-aux-Fayes, depuis la création d’un Centre Gauche à la Chambre, avait fait son député de Leclercq, banquier de l’entrepôt des vins, gendre de Gaubertin, devenu Régent de la Banque. Le nombre d’électeurs que cette riche vallée fournissait au Grand-Collége, était assez considérable pour que l’élection de monsieur de Ronquerolles, protecteur acquis à la famille Mouchon, fût toujours assurée, ne fût-ce que par transaction. Les électeurs de La-Ville-aux-Fayes prêtaient leur appui au