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Le comte courut à la Préfecture où il obtint, du général qui commandait la Division, la mise à la retraite de Soudry et son remplacement par un nommé Viollet, excellent gendarme du chef-lieu que vantèrent le général et le préfet. Les gendarmes de la brigade de Soulanges, tous dirigés sur d’autres points du département par le colonel de la gendarmerie, ancien camarade de Montcornet, eurent pour successeurs des hommes choisis, à qui l’ordre fut donné secrètement de veiller à ce que les propriétés du comte de Montcornet ne reçussent désormais aucune atteinte, et à qui l’on recommanda surtout de ne pas se laisser gagner par les habitants de Soulanges.

Cette dernière révolution, accomplie avec une rapidité qui ne permit pas de la contrecarrer, jeta l’étonnement dans La-Ville-aux-Fayes et dans Soulanges. Soudry, qui se regarda comme destitué, se plaignit, et Gaubertin trouva le moyen de le faire nommer maire, afin de mettre la gendarmerie à ses ordres. On cria beaucoup à la tyrannie. Montcornet devint un objet de haine. Non seulement cinq ou six existences furent ainsi changées par lui, mais bien des vanités furent froissées. Les paysans, animés par des paroles échappées aux petits bourgeois de Soulanges, à ceux de La-Ville-aux-Fayes, à Rigou, à Langlumé, à monsieur Guerbet, le maître-de-poste de Couches, se crurent à la veille de perdre ce qu’ils appelaient leurs droits.

Le général éteignit le procès avec son ancien garde en payant tout ce qu’il réclamait.

Courtecuisse acheta pour deux mille francs un petit domaine enclavé sur les terres des Aigues à un débouché des remises par où passait le gibier. Rigou n’avait jamais voulu céder La Bâchelerie ; mais il se fit un malicieux plaisir de la vendre à cinquante pour cent de bénéfice à Courtecuisse. Celui-ci devint ainsi l’une de ses nombreuses créatures, car il le tint par le surplus du prix, l’ex-garde n’ayant payé que mille francs.

Les trois gardes, Michaud et le garde-champêtre, menèrent alors une vie de Guérillas. Couchant dans les bois, ils les parcouraient sans cesse, ils en prenaient cette connaissance approfondie qui constitue la science du garde-forestier, qui lui évite les pertes de temps, étudiant les issues, se familiarisant avec les essences et leurs gisements, habituant leurs oreilles aux chocs, aux différents bruits qui se font dans les bois. Enfin, ils observèrent les figures, passèrent