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place. Or, déjà Monseigneur avait plusieurs fois demandé le changement de Rigou. Martial, à qui l’état de la commune était bien connu, fut enchanté de la demande du général qui, dans l’espace d’un mois, eut sa nomination.

Par un hasard assez naturel, le général rencontra, pendant son séjour à la Préfecture où son ami le logeait, un sous-officier de l’ex-garde impériale à qui l’on chicanait sa pension de retraite. Déjà, dans une circonstance, le général avait protégé ce brave cavalier nommé Groison, qui s’en souvenait et qui lui conta ses douleurs, il se trouvait sans ressources. Montcornet promit à Groison de lui obtenir la pension due, et lui proposa la place de garde-champêtre à Blangy, comme un moyen de s’acquitter en se dévouant à ses intérêts. L’installation du nouveau maire et du nouveau garde-champêtre eut lieu simultanément, et le général donna, comme on le pense, de solides instructions à son soldat.

Vaudoyer, le garde-champêtre destitué, paysan de Ronquerolles, n’était, comme la plupart des gardes-champêtres, propre qu’à se promener, niaiser, se faire choyer par les pauvres qui ne demandent pas mieux que de corrompre cette autorité subalterne, la sentinelle avancée de la Propriété. Il connaissait le brigadier de Soulanges, car les brigadiers de gendarmerie, remplissant des fonctions quasi-judiciaires dans l’instruction des procès criminels, ont des rapports avec les gardes-champêtres, leurs espions naturels ; Soudry l’envoya donc à Gaubertin qui reçut très-bien Vaudoyer son ancienne connaissance, et lui fit verser à boire, tout en écoutant le récit de ses malheurs.

— Mon cher ami, lui dit le maire de La-Ville-aux-Fayes qui savait parler à chacun son langage, ce qui t’arrive nous attend tous. Les nobles sont revenus, les gens titrés par l’Empereur font cause commune avec eux ; ils veulent tous écraser le peuple, rétablir les anciens droits, nous ôter nos biens ; mais nous sommes Bourguignons, il faut nous défendre, il faut renvoyer les arminacs à Paris. Retourne à Blangy, tu seras garde-vente pour le compte de monsieur Polissard, l’adjudicataire des bois de Ronquerolles. Va, mon gars, je trouverai bien à t’occuper toute l’année. Mais songes-y ? C’est des bois à nous autres !… Pas un délit, ou sinon confonds tout. Envoie les faiseurs de bois aux Aigues. Enfin, s’il y a des fagots à vendre, qu’on achète les nôtres, et jamais ceux des Aigues. Tu redeviendras garde-champêtre, ça ne durera pas ! Le général