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de la vallée des Aigues. Aussi Rigou, de même que le vénérable abbé Grégoire, devint-il un héros. Pour lui, comme pour certains banquiers à Paris, la politique couvrit de la pourpre populaire des déprédations honteuses.

En ce moment, semblable à François Keller, le grand orateur, ce moine parjure était regardé comme un défenseur des droits du peuple, lui qui naguères ne se serait pas promené dans les champs, à la tombée de la nuit, de peur d’y trouver un piége où il serait mort d’accident. Persécuter un homme, en politique, ce n’est pas seulement le grandir, c’est encore en innocenter le passé. Le parti libéral, sous ce rapport, fut un grand faiseur de miracles. Son funeste journal, qui eut alors l’esprit d’être aussi plat, aussi calomniateur, aussi crédule, aussi niaisement perfide que tous les publics qui composent les masses populaires, a peut-être commis autant de ravages dans les intérêts privés que dans l’Église.

Rigou s’était flatté de trouver dans un général bonapartiste en disgrâce, dans un enfant du peuple élevé par la Révolution, un ennemi des Bourbons et des prêtres ; mais le général, dans l’intérêt de ses ambitions secrètes, s’arrangea pour éviter la visite de monsieur et de madame Rigou pendant ses premiers séjours aux Aigues.

Quand vous verrez de près la terrible figure de Rigou, le Loup-cervier de la vallée, vous comprendrez l’étendue de la seconde faute capitale que ses idées aristocratiques firent commettre au général et que la comtesse empira par une impertinence qui trouvera sa place dans l’histoire de Rigou.

Si Montcornet eût capté la bienveillance du maire, s’il en eût recherché l’amitié, peut-être l’influence de ce renégat aurait-elle paralysé celle de Gaubertin. Loin de là, trois procès dont un déjà gagné par Rigou, pendaient au tribunal de La-Ville-aux-Fayes, entre le général et l’ex-moine. Jusqu’à ce jour, Montcornet avait été si fort occupé par ses intérêts de vanité, par son mariage, qu’il ne s’était plus souvenu de Rigou ; mais, aussitôt que le conseil de se substituer à Rigou lui fut donné par Sibilet, il demanda des chevaux de poste et alla faire une visite au préfet.

Le préfet, le comte Martial de la Roche-Hugon, était l’ami du général depuis 1804. Ce fut un mot dit à Montcornet par ce Conseiller d’État, dans une conversation à Paris, qui détermina l’acquisition des Aigues. Le comte Martial, préfet sous Napoléon, resté préfet sous les Bourbons flattait l’évêque pour se maintenir en