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outre vous aurez trois francs par procès-verbal. Si je n’y trouve pas mon compte, vous aurez le vôtre et sans pension ; tandis que si vous me servez bien, si vous parvenez à réprimer les dégâts, vous pouvez avoir cent écus de viager. Faites vos réflexions. Voilà six chemins, dit-il en montrant les six allées, il faut n’en prendre qu’un, comme moi qui n’ai pas craint les balles, tâchez de trouver le bon !

Courtecuisse, petit homme de quarante-six ans, à figure de pleine lune, se plaisait beaucoup à ne rien faire. Il comptait vivre et mourir dans ce pavillon, devenu son pavillon. Ses deux vaches étaient nourries par la forêt, il avait son bois, il cultivait son jardin au lieu de courir après les délinquants. Cette incurie allait à Gaubertin, et Courtecuisse avait compris Gaubertin. Le garde ne faisait donc la chasse aux fagoteurs que pour satisfaire ses petites haines. Il poursuivait les filles rebelles à ses volontés et les gens qu’il n’aimait point ; mais depuis longtemps il ne haïssait plus personne, aimé de tout le monde, à cause de sa facilité.

Le couvert de Courtecuisse était toujours mis au Grand-I-Vert, les fagoteuses ne lui résistaient plus, sa femme et lui recevaient des cadeaux en nature de tous les maraudeurs. On lui rentrait son bois, on façonnait sa vigne. Enfin, il trouvait des serviteurs dans tous ses délinquants.

Presque rassuré par Gaubertin sur son avenir et comptant sur deux arpents quand les Aigues se vendraient, il fut donc réveillé comme en sursaut par la sèche parole du général qui dévoilait enfin, après quatre ans, sa nature de bourgeois résolu de n’être plus trompé.

Courtecuisse prit sa casquette, sa carnassière, son fusil, mit ses guêtres, sa bandoulière aux armes récentes des Montcornet, et alla jusqu’à La-Ville-aux-Fayes de ce pas insouciant sous lequel les gens de la campagne cachent leurs réflexions les plus profondes, regardant les bois et sifflotant ses chiens.

— Tu te plains du Tapissier, dit Gaubertin à Courtecuisse, et ta fortune est faite ! Comment, l’imbécile te donne trois francs par procès-verbal et les amendes ! en t’entendant avec des amis, tu peux en dresser tant que tu voudras, une centaine ! Avec mille francs, tu pourras acheter la Bâchelerie à Rigou, devenir bourgeois. Seulement, arrange-toi pour ne poursuivre que des gens nus comme