Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée

on apercevait une pièce pleine d’outils, de fagots ; et par une autre, une vache, en montrant son mufle, apprenait que Courtecuisse, pour ne pas faire le chemin qui séparait le pavillon de la faisanderie, avait converti la grande salle du pavillon en étable, une salle plafonnée en caissons au fond desquels étaient peintes les armoiries de tous les possesseurs des Aigues ! ..

De noirs et sales palis déshonoraient les abords du pavillon en enfermant des cochons sous des toits en planches, des poules, des canards dans de petits carrés dont le fumier s’enlevait tous les six mois. Des guenilles séchaient sur les ronces qui poussaient effrontément, çà et là.

Au moment où le général arriva par l’avenue du pont, madame Courtecuisse récurait un poêlon dans lequel elle venait de faire du café au lait. Le garde, assis sur une chaise au soleil, regardait sa femme, comme un Sauvage eût regardé la sienne. Quand il entendit le pas d’un cheval, il tourna la tête, reconnut monsieur le comte, et se trouva penaud.

— Eh ! bien, Courtecuisse, mon garçon, dit le général au vieux garde, je ne m’étonne pas que l’on coupe mes bois avant messieurs Gravelot, tu prends ta place pour un canonicat !…

— Ma foi, monsieur le comte, j’ai passé tant de nuits dans vos bois, que j’y ai attrapé une fraîcheur. Je souffre tant ce matin, que ma femme nettoie le poêlon dans lequel a chauffé mon cataplasme.

— Mon cher, lui dit le général, je ne connais d’autre maladie que la faim à laquelle les cataplasmes de café au lait soient bons. Ecoute, drôle. J’ai visité hier ma forêt et celles de messieurs de Ronquerolles et de Soulanges, les leurs sont parfaitement gardées, et la mienne est dans un état pitoyable.

— Ah ! monsieur le comte, ils sont anciens dans le pays, eux ! on respecte leurs biens. Comment voulez-vous que je me batte avec six communes ? J’aime encore mieux ma vie que vos bois. Un homme qui voudrait garder vos bois comme il faut attraperait pour gages une balle dans la tête au coin de votre forêt…

— Lâche ! reprit le général en domptant la fureur que cette insolente réplique de Courtecuisse allumait en lui. Cette nuit a été magnifique, mais elle me coûte cent écus pour le présent, et mille francs en dommage dans l’avenir. Vous vous en irez d’ici, mon cher, ou les choses vont changer. A tout péché, miséricorde. Voici mes conditions. Je vous abandonne le produit des amendes, et en